Ce 16 novembre 2015, 3 jours après les attentats islamistes qui avaient ensanglanté nos rues, le Président de la République François Hollande achève son discours devant le Congrès réuni à Versailles.
Il avait le choix de s’engager pour plus de démocratie et d’assumer la fraternité républicaine dans le combat contre nos ennemis obscurantistes Pourtant, il fit l’inverse.
L’état d’urgence, ou la tentative autoritaire ?
D’une part en décidant de limiter l’État de droit via le recours à l’état d’urgence et le renforcement des pouvoirs de police ; d’autre part en annonçant la déchéance de nationalité. Il accréditait ainsi l’une des thèses favorites de l’extrême-droite : celle de l’ennemi de l’intérieur qui menacerait notre « sécurité, première des libertés ».
Sans doute François Hollande faisait-il sincèrement face à des demandes contradictoires, mais dix ans après, le bilan est là : les politiques publiques, les instructions préfectorales, les méthodes policières cultivent les tentations autoritaires.
Qu’on en juge : près de 15 lois sécuritaires de 2015 à 2025, toutes plus dures
L’état d’urgence et de ses prolongations de 2015 à 2017, c’est : 4500 perquisitions administratives ; + de 5300 arrêtés autorisant les contrôles d’identités, fouilles de bagages et visites de véhicules ; + de 750 mesures d’assignations à résidence, une vingtaine fermetures de lieux de réunion ; et presque pas de poursuites judiciaires faute d’incrimination.
En 2017, l’incorporation dans le droit commun de l’état d’urgence (SILT) par Emmanuel Macron, a consacré cette entreprise sécuritaire.
Sans dangerosité apparente – la vie continue normalement, on va au cinéma, on fait ses courses, on boit un verre – le choix de l’état d’urgence est surtout l’expression d’une panique face au terrorisme, une perte de sang-froid qui joue contre la démocratie ; il dit la convulsion autoritaire de l’État.
Nul besoin de remonter aux années 30 pour analyser ce phénomène d’habituation, voire d’assentiment populaire aux régimes d’ordre : c’est précisément la marque singulière des processus illibéraux qui, sans rupture brutale, gangrènent les démocraties libérales en ce premier quart de siècle.
L’extension continue des pouvoirs administratifs repose désormais sur une logique « préventive » : non plus des faits, mais des intentions. Le contradictoire, les droits de la défense, la présomption d’innocence s’effacent au profit de comportements susceptibles de troubler l’ordre public. Le droit pénal se vide, les pouvoirs du ministre de l’intérieur se renforcent, et c’est l’État de droit qui vacille. La multiplication démesurée de MICAS lors des JOP de 2024 en a fourni une démonstration.
L’État policier se renforce, l’Etat social recule. Le règne de l’émotion et de la démagogie législative est à son apogée ; la fascination pour les technologies de surveillance grandit toujours davantage.
Qui acceptera de fermer cette parenthèse sécuritaire ?
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