3 questions à Pouria Amirshahi

Vous avez choisi de ne pas voter pour le “programme de stabilité” mardi 29 avril. Quel est le sens de ce vote ?

Le respect de la souveraineté dont on dépossède les citoyens – et leurs représentants élus – à force de faire passer sans débat sérieux des choix non délibérés et selon moi dangereux car le risque récessif et déflationniste est réel. On savait que depuis quelques décennies, nos perspectives économiques se fondaient sur des « hypothèses de croissance ».

Voilà maintenant près de dix ans que ces hypothèses sont volontairement tronquées, surévaluées, pour ne pas effrayer des marchés pourtant parfaitement avertis (et consentants) de la supercherie. Nous n’avons pas, cette année, dérogé à cette hypocrisie – nous « tablons » mensongèrement sur 2% dès 2015 – sauf que voilà, cette fois, même le FMI et la Banque mondiale ne nous croient pas…

Et pour cause, la prévision est basée sur de fausses données. En effet, dans son « programme de stabilité » déjà adressé l’an passé à la Commission européenne, le gouvernement précédent s’engageait à ramener le déficit public de la France de 3,7% du PIB à 2,9% en 2014 puis 0,7% en 2017. Pourquoi 2,9 % ? …

Parce qu’on voulait montrer que « promis, juré ! on ne l’a pas fait en 2013 mais on le fera en 2014 et mieux que prévu ». Voilà le niveau de notre argumentation économique en France, en 2013. Ce que nous voulons est simple : revoir le pacte de responsabilité pour orienter les ressources publiques vers l’investissement, la qualité de vie et la solidarité plutôt que de gaspiller les deniers publics en arrosant du sable avec de l’eau. Nous avons fait des propositions concrètes qui pourront justement aider le gouvernement dans les négociations européennes qui s’ouvrent. Mais Francois Hollande et Manuel Valls n’en ont pas tenu compte pour l’essentiel. À eux de s’appuyer sur le Parlement et une majorité qui veut jouer tout son rôle.

Dans votre circonscription, comment les militants et les électeurs que vous rencontrez, perçoivent-ils la notion d’”austérité” et quels peuvent être, selon vous, les impacts locaux d’une telle logique économique ?

Nicolas Sarkozy a laissé le pays dans un état épouvantable, chacun en a conscience.

Mais réparer les dégâts ne peut se faire avec des recettes qui rajoutent des difficultés au quotidien : à l’étranger, les consulats pâtissent des coupes budgétaires et ce sont tous les services publics qui risquent de se dégrader, malgré les efforts des agents. N’oublions pas qu’un consulat c’est tout à la fois, pour un français établi hors de France, une mairie, un conseil général et une préfecture.

Tous les actes d’état civil ou presque passent par nos services déconcentrés à l’extérieur. Les étrangers que nous voulons bien accueillir aussi lorsqu’ils demandent des visas risquent d’avoir une mauvaise impression dans l’accueil qui leur est fait.

Quant aux instituts français, la baisse de 7% de leur dotation en 2013 est totalement contraire aux ambitions de rayonnement affichées.

On atteint l’os et je ne vois plus comment on peut faire des économies à ce rythme.

Les élections européennes auront lieu le 25 mai prochain. Nous, socialistes, faisons actuellement campagne contre l’austérité en Europe quand, dans le même temps, la France fait le choix d’une politique économique qui parait aller dans le sens de l’austérité. Comment concilier « être socialiste en France » et « être socialiste en Europe » ?

En faisant, en France, ce que nous prônons pour l’Europe : une politique équilibrée tournée vers le bien commun et non uniquement vers le réduction des déficits et obsédée par le chantage des marchés financiers. C’est possible car nous avons des alliés pour cela. Ce sera évidemment plus facile avec un parlement de gauche. Mais malgré un statu quo à Strasbourg, la France dispose encore de la force nécessaire pour faire entendre une autre voix.

Lire aussi les réponses sur le site de « Socialistes contre l’Austerité« .