A ne regarder que la «baisse des coûts», on trouvera toujours moins cher que nous

Mardi soir, en bureau national, 7 responsables du PS ont voté contre le texte de soutien du parti majoritaire au «pacte de responsabilité» annoncé le 31 décembre par François Hollande. 27 membres présents ont voté pour, 3 se sont abstenus.

Dans un communiqué commun, les responsables des deux courants les plus à gauche du parti (Guillaume Balas pour «Un monde d’avance», proche du ministre Benoît Hamon, et Emmanuel Maurel pour «Maintenant la gauche») ont dénoncé un «texte rédigé sans discussion ni débat». «La focalisation exclusive sur l’offre et la baisse du coût du travail ne peuvent continuer à être les seules solutions prônées», ont-ils estimé. Comme eux, le député PS Pouria Amirshahi (élu des Français de l’étranger) demande de «vraies contreparties» aux entreprises.

Libération : Pourquoi êtes-vous contre ce texte ?

Pouria Amirshahi : D’une part pour une question de méthode : ce pacte de responsabilité a été annoncé par François Hollande sans aucun débat dans la majorité parlementaire. Ce n’était pourtant pas un de nos engagements de campagne… Cette méthode a contaminé le parti : ce texte nous a été soumis au dernier moment sans aucune consultation. D’autre part, je n’accepte pas que le PS valide la baisse des cotisations sociales et celle de la dépense publique. Avec une telle politique économique et budgétaire, la France risque la déflation.

Vous avez pourtant demandé exigé des «contreparties» pour les entreprises et dans ce texte, le PS en liste quelques-unes (création d’emplois, embauches de jeunes, formation…).

Nous devons être plus précis. Demander à M. Gattaz – qui, je le rappelle, ne représente pas toutes les entreprises – des obligations en termes d’emplois, de salaires, d’investissements… On ne peut pas se contenter d’appels à des négociations par branche. Ce qui relève déjà du droit du travail. Et pourquoi ne posons-nous pas des limites en termes de plafond des rémunérations ? De fiscalité du capital ? Aujourd’hui, les contreparties relèvent moins de contraintes que d’effets attendus sur l’emploi. Si on en reste là, c’est un vœu pieu.

Qu’attendez-vous du gouvernement ?

De savoir ce qu’il va nous soumettre. Et qu’il nous dise pourquoi il semble accélérer le calendrier. Parce que Bruxelles s’apprête à juger en mars de notre «trajectoire» de redressement des comptes publics. Nous répétons que nous allons «réorienter l’Europe» après les élections européennes. Dans ce cas, ne peut-on pas attendre de les gagner et de construire un rapport de force en s’appuyant sur les opinions publiques européennes ? Accélérer avant les élections européennes, c’est un désarmement unilatéral pour les socialistes français.

Vous pensez que le PS anticipe une «accélération» du gouvernement ?

J’en ai l’impression… Ce n’est pas une question de «rébellion de la gauche du parti» comme on peut l’entendre. C’est une interrogation globale que ressentent les militants. L’orientation soudaine du président de la République en janvier a surpris et ne correspond pas à la vision des socialistes français. Et ce qui est d’autant plus insupportable, c’est la confusion qui est faite entre le jugement que l’on peut avoir du pacte de responsabilité et l’annonce, dans la foulée, d’un vote de confiance au gouvernement.

Vous vous sentez pris au piège en somme…

Oui. C’est une forme de chantage difficile à admettre. Pourquoi lier le soutien à un gouvernement – que j’ai envie de soutenir – au pacte de responsabilité dont je critique la pertinence ? La France a inventé la séparation des pouvoirs avec Montesquieu, elle ne se l’applique pas. Aujourd’hui, dans ses institutions de la Ve République, c’est l’exécutif qui décide de tout. Une démocratie moderne ne peut pas fonctionner par des oukases économiques. Et c’est d’autant plus dommage que cela masque toute une série de bonnes mesures : reprise de sites rentables, loi consommation, formation professionnelle… Qui est au courant qu’aujourd’hui en France l’IVG est remboursée à 100% ?

Quel sera votre vote à l’Assemblée ?

Je ne sais pas. En l’état, ce pacte ne me convient pas. J’attends de voir ce qu’on va me présenter. Nous avons besoin d’investissements massifs, c’est une question de projets de société. On ne peut pas dire que le problème de la France, c’est sa «compétitivité» et son «coût du travail trop élevé». Car à ne regarder que la «baisse des coûts», on trouvera toujours moins cher que nous.

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