Il y a quelque chose de malsain en Europe et, malheureusement, le gouvernement français n’est pas le dernier à nourrir les crispations identitaires et les divisions nationales. Mises à l’index des étrangers, suspicions généralisées à l’égard des citoyens musulmans (ou supposés tels) et autres provocations vexatoires sont désormais la marque de fabrique d’un président à la remorque de l’idéologie différentialiste de l’extrême droite. A tel point que des parlementaires UMP s’en prennent désormais à leurs propres compatriotes, en suggérant ni plus ni moins de remettre en cause la bi-nationalité. Des millions de français seraient ainsi purement et simplement rayés de la carte nationale s’ils ne renonçaient pas à une autre nationalité que la nôtre (notons au passage que les mêmes qui prétendent qu’il y a aujourd’hui trop d’immigrés, mêmes légaux, sur le territoire national, proposent ainsi d’en créer des millions supplémentaires par le simple fait d’une loi débile). Passons sur le fait que, pour beaucoup, cette bi-nationalité n’est pas un choix mais le fruit des législations nationales de chaque pays; bien que nés français, la nationalité de leurs parents se transmet automatiquement au nom du droit du sang. Ne nous arrêtons pas plus sur le délire qui transpire de la peur de M. Goasguen, auteur du rapport parlementaire, quand il met en avant le risque de déloyauté d’un bi-national en cas de guerre entre les deux pays dont il est citoyen. Laissons-les à leurs accusations d’anti-patriotisme quand on sait que ces français, lorsqu’ils vivent en France, sont et se vivent pour la plupart comme des…français d’abord (malgré toutes les discriminations qui n’ont pour but et conséquence que de les écœurer). Et tant pis pour ces députés de la majorité s’ils ne voient pas que nos bi-nationaux, ceux de métropole comme ceux qui vivent à l’étranger, sont les meilleurs ambassadeurs de la paix et les meilleurs avocats pour la rencontre des cultures. Mais inquiétons-nous de voir ainsi la majorité passer, tranquillement, de la xénophobie à l’épuration. De 5 à 8 millions de personnes sont ainsi jugées a priori comme potentiellement ennemies de la nation. 5 à 8 millions de personnes qui seraient forcées de faire allégeance, pour reprendre les termes de Marine Le Pen, à leur drapeau (car c’est déjà le leur !). Mais qui sont ces juges du «vrai français»? De quel droit des illuminés au pouvoir décideraient seuls qui est français et qui ne l’est pas? Imaginez seulement que nous, les Républicains, opérions le même raisonnement: par exemple, en proposant que que tous ceux qui proposent de défaire la République par de telles idioties soient déchus de leur nationalité française parce que traîtres au serment de 1789…
Nous serons plus raisonnables: en 2012, les déchoir de leur pouvoir suffira. Car la logique de cette nouvelle droite, décidément bien veille, c’est le pire: la détestation, la désunion. En d’autres temps et d’autres lieux, ce genre de délires conduit à deux horreurs: un pays en partitions ou un pays en guerre civile. Vivement qu’on les arrête dans leur course à l’abîme. La République française devra décidément se protéger de ses ennemis, de plus en plus en cour depuis 2007, et défendre plus que jamais l’idée que la citoyenneté française se fonde sur deux choses: le droit du sol et la demande volontaire. Ce qui compte, à nos yeux, c’est la fierté de faire partager le « rêve français », fait d’universalisme sans distinction d’origines; celui, précisément, que la droite veut transformer en cauchemar et qui creusera sa propre tombe morale.
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