Le rapport sur la Francophonie que vous avez rendu à l’Assemblée nationale la semaine dernière, est intitulé « rapport pour une ambition francophone ». Que proposez-vous pour rendre le projet francophone ambitieux ?
Le fait que le français soit parlé par des millions de personnes dans le monde est un atout extraordinaire pour tous les peuples qui l’ont en partage, à condition qu’ils s’entendent pour faire quelque chose ensemble. C’est ce que les hispanophones, les arabophones ou encore les lusophones ont compris. Si les nations francophones font converger leurs contenus éducatifs, culturels, scientifiques, économiques, cela peut devenir une force extraordinaire. On peut imaginer par exemple qu’il y ait un tronc commun dans l’enseignement du français jusqu’au baccalauréat, dans tous les pays francophones. Il ne peut pas y avoir de sentiment partagé si chacun ne se sent pas dépositaire d’un patrimoine commun. Si on va jusqu’au bout de cette utopie francophone, on peut penser que nos écoles et instituts français deviendront francophones. Il faut favoriser la mobilité des personnes, en mettant en place des visas francophones. Ces passeports permettraient à ceux qui se déplacent régulièrement dans l’espace francophone de le faire sans entrave. Si les artistes, les chercheurs, les chefs d’entreprise, les scientifiques, ou encore les étudiants sont mobiles, leurs œuvres, leurs pensées et leurs richesses le seront aussi.
Qu’attendez-vous de ce rapport ?
J’attends un changement d’état d’esprit en France. Pour moi, nous sommes aujourd’hui en panne d’imaginaire. Or, du côté du sud de la Méditerranée, il y a un voisinage, des familles, une langue en partage, une histoire commune, mais en même temps des peurs. Ce que je souhaite c’est que l’opinion publique change de regard. Deuxièmement, l’objectif est de rappeler aux élites l’importance de l’usage du français. Il existe des responsables de premier plan qui n’assument pas leur langue dans les instances internationales. Ils intériorisent la relativité de leur propre langue, et ont intégré une servitude envers l’anglais, considéré comme une langue de modernité il y a 20 ans. L’enjeu de ce rapport est d’interpeller les différents ministères concernés, par exemple le ministère des Affaires étrangères sur la mobilité, ou le ministère de l’Education sur la co-diplomation. Certaines idées seront reprises au Sommet de la Francophonie à Dakar.
Quel rôle jouent les expatriés dans cette défense de la Francophonie ?
Ils sont les premiers ambassadeurs de la Francophonie. Dans ma circonscription, ceux qui vivent au Sénégal, en Algérie, ou en Tunisie, font vivre, transmettent, cultivent le français au quotidien. Ce sont des chefs d’entreprises, des expatriés qui travaillent dans les ambassades, les écoles, ou les ONG. Il y a évidemment une transmission de la langue française qui se fait grâce à eux, et pas seulement dans les pays francophones. Dans les pays émergents, il y a des communautés françaises qui s’installent. Ils demandent des écoles par exemple. Les nationaux s’y intéressent, ils veulent aller dans ces écoles parce que la formation est de qualité et parler le français permet de faire des affaires en Afrique. C’est là qu’on comprend que le français est une langue de l’économie.
En parlant d’éducation, vous avez alerté la ministre chargée des Français de l’étranger sur l’accessibilité des cours du CNED…
En effet, le CNED prévoit une augmentation de ses tarifs. Alors que pour certaines familles, il s’agit de la seule possibilité pour s’instruire. Tout le monde n’a pas la chance d’être dans un pays où il y a suffisamment d’écoles et de places disponibles. Le CNED, avec son efficacité, sa rigueur, son exigence éducative, est une chance pour beaucoup. Il faut aider le CNED, l’aider à renforcer ces moyens, à moderniser ses équipements à l’aune des évolutions technologiques et en baisser ses tarifs.
Vous avez parlé des cotisations trop élevées à la CFE (Caisse des Français de l’étranger). Comment rendre la CFE accessible au plus grand nombre ?
Il y a plusieurs possibilités. La première possibilité est de faire adhérer la CFE à un grand réseau mutualiste de santé mondiale, par effet du nombre cela ferait baisser les cotisations. Deuxième possibilité, avoir des conventionnements systématiques avec les autres pays pour rendre compatible la protection sociale du pays d’accueil avec les prestations de la CFE. S’il y avait deux priorités en matière de protection sociale ce serait de faire converger les tarifs pour les couples et de comptabiliser les années à l’étranger dans le calcul de la retraite.
Au niveau de la fiscalité, vous avez défendu la loi sur les plus-values. Les Français de l’étranger cotisent à la CSG (contribution sociale généralisée) et à la CRDS (contribution pour le remboursement de la dette sociale) alors qu’ils ne vont pas en bénéficier…
Nous avons accepté que les Français de l’étranger contribuent à la CSG et à la CRDS, à condition qu’il y ait une réciprocité. Les taux d’imposition sur la plus-value à la revente du bien immobilier doivent être les même et les plus bas possible. Or, ce n’est pas le cas, le taux n’est pas le même si vous êtes dans l’espace européen ou si vous êtes au Maroc ou au Québec. Ma demande était de ramener le taux à 19 % pour tout le monde. Deuxième injustice, alors que vous êtes fiscalement rattachés, via la CSG et la CRDS à la fiscalité française, vous ne bénéficiez pas des exonérations, par exemple sur les pensions alimentaires ou sur les cotisations aux associations. L’idée est que s’il y a un alignement sur le régime fiscal, il faut qu’il soit total.
Cela fait bientôt deux ans que vous exercez votre mandat. Quel premier bilan, faites-vous de votre activité ?
Rien ne remplace le déplacement de terrain, d’où mes déplacements fréquents. Même si, ayant 16 pays dans ma circonscription je ne peux pas revenir avant 3 ou à 4 mois dans un pays. Etre dans la politique française à partir d’un regard extérieur est très enrichissant, cela permet de resituer notre imaginaire national dans un environnement mondial. Nos actions véhiculent une image positive sur les expatriés. Le regard des politiques a évolué. On valorise l’expérience à l’étranger, qui est maintenant vécue comme une chance.
Propos recueillis par Hervé Heyraud et Bénédicte Buisson (www.lepetitjournal.com) – Jeudi 20 février 2014