Près de deux ans après l’arrivée de Macky Sall, la situation politique du pays est apaisée, un nouveau gouvernement est en marche, dirigé par Mme Aminata Touré, des grands projets sont en chantiers…et les sénégalais attendent désormais des changements. L’impatience est là. La société reste mobilisée en même temps que le pays reste préoccupé par l’évolution géopolitique de toute la zone sahélo-saharienne. Des échéances importantes s’annoncent, dont notamment le prochain Sommet de la Francophonie qui se tiendra à Dakar en 2014. J’en reparlerai tout au long des prochains mois. Mais, hormis quelques moments informels, je n’avais pas vraiment prévu de rencontre avec les associations, les personnalités, les parlementaires ou encore l’exécutif sénégalais pour ce déplacement que j’ai donc presque entièrement consacré à la communauté française. Merci à notre Ambassadeur ainsi qu’à notre consul général pour leur aide précieuse.
Dakar, Saly, Thiès, Saint-Louis, Dakar… 5 jours tout terrain au Sénégal, à la rencontre de nos compatriotes, en visite d’écoles, en permanences parlementaires, en compagnie du conseiller Hassan Bahsoun et de Sandrine Lemare-Boli et de Christian Akindès. Retour sur les moments.
Des écoles françaises en pleine mutation
C’est avec grand plaisir que je retrouve Marc Demeulemeester, ancien proviseur au LIAD d’Alger et en poste pour cette nouvelle année au tout aussi prestigieux Jean Mermoz de Dakar, riche de 2500 élèves. L’équipe de l’établissement me rappelle la priorité donnée à l’apprentissage des langues étrangères vivantes (à noter qu’une réflexion sérieuse s’installe enfin sur l’enseignement des langues sénégalaises dont le Wolof et le Peuhl), mais aussi aux sports et aux activités théâtrales. Mon attention est portée particulièrement sur un très beau projet de mémoire sur les tirailleurs, que je soutiendrai et dont j’ai depuis parlé à Kader Arif, ministre des anciens combattants. Nous avons aussi évoqués les conditions de travail des enseignants, et en particulier l’augmentation du nombre de titulaires en contrat de droit local ; cette tendance est en hausse, et j’ai prévu de m’en entretenir prochainement avec la direction de l’Aefe et le
Ministère des affaires étrangères. Au-delà des différences de statuts (qui ne sauraient se justifier toujours), les personnels concernés craignent légitimement pour leur capacité à assurer le financement de la scolarité de leurs propres enfants, étant donné que l’augmentation du coût de la vie vient s’ajouter à l’absence de revalorisation de leurs contrats… Des inquiétudes légitimes s’expriment aussi relatives au calcul des pensions de retraites, pour celles et ceux qui n’ont pas été assurés entre 1995 et 2001, c’est-à-dire avant qu’un accord ait été trouvé pour les personnels de droit local avec la CFE. Si cet accord est une avancée, il reste que les professionnels concernés sont à ce jour sans aucun droit reconnu pour de nombreuses années de travail. Je regarderai cette question dans les premiers mois de 2014. D’autres sujets sont évidemment abordés avec les parents, en particulier – malgré une plus grande maîtrise et une plus grande enveloppe des bourses (44% des boursiers le sont à 100% du taux maximal)– une hausse des frais d’écolage qui ne suit pas le cours réel de l’inflation. Les personnels restent mobilisés également quant au maintien de leur ISVL (Indemnités spécifiques de vie locale) ; à ce jour les projets de diminution avaient fait long feu, suite à des mouvements de contestation que j’avais moi-même soutenu au Sénégal comme dans plusieurs pays (Tunisie, Niger…).
En visitant l’Institut Jeanne d’Arc, je revois ce très beau mur, dans la cour de l’école, sur lequel est peint la devise de l’établissement… Une belle leçon d’universalité dans cette école qui rassemble des enfants de toutes origines culturelles et/ou religieuses. Déconventionnée, Jeanne d’Arc est désormais enfin homologuée, ce qui met fin aux fortes inquiétudes exprimées par la communauté éducative. Je suis heureux que les démarches engagées et que j’avais soutenues aient pu aboutir, pour le plus grand soulagement des 1300 élèves, dont 900 qui suivent le programme français et environ 400 élèves le programme sénégalais. La structure est adaptée pour l’accueil des enfants handicapés ; ces derniers sont au nombre de 23, mentaux et psychomoteurs, encadrés par 6 adultes et accueillis dans des formats pédagogiques mixtes, tantôt en immersion, tantôt en classe distincte (classe passerelle). Avec un budget de 1,7 milliard de Francs CFA (soit 2,6 millions €), l’école attire plus d’élèves et est confrontée à des défis importants, notamment celui de son extension verticale pour anticiper une hausse du nombre d’enfants scolarisés dans les prochaines années.
À Saly, l’école Jacques Prévert est riche d’une histoire exceptionnelle (c’est à partir d’une timide annonce dans le journal local en 2002, postée par une jeune mère de famille, que le projet scolaire a vu le jour), d’une association de parents d’élèves motivée et solidaire et d’une direction très professionnelle de l’établissement. Avec désormais 330 élèves (6 classes primaires et 7 secondaires), l’établissement anticipe son extension à la faveur de sa réputation acquise et très attractive mais aussi du développement économique de la ville, désormais reliée par une autoroute à Dakar et bientôt desservie par un aéroport international
(le Président Macky Sall ne s’y est d’ailleurs pas trompé puisqu’il a lui-même lancé la saison touristique le vendredi 29 novembre). J’ai eu la chance de visiter deux heures durant les travaux d’agrandissement, ému comme à chaque visite de ce type, par le génie humain en mouvement : des plans, discutés aussi à partir des pratiques professionnelles et des besoins des élèves, jusqu’aux travaux pratiques… À n’en pas douter, Jacques Prévert sera honoré. Je reviendrai pour l’inauguration définitive. D’ici là, je continue à accompagner les équipes dans leurs démarches de reconnaissance pédagogique, à la fois comme établissement conventionné et comme centre d’examen à part entière.
Ces trois belles aventures scolaires, aux statuts aussi variés que dynamiques, ne doivent cependant pas occulter les enjeux de survie posés à d’autres établissements. C’est le cas à Thiès, où la remarquable école française Dr Guillet accueille les niveaux de maternelle et d’élémentaire – de la petite section jusqu’en CM2 – mais se trouve confrontée à l’augmentation considérable des tarifs du CNED (une multiplication par 3 l’année prochaine !), ce qui aura des conséquences pour le collège qui dispense ici ses formations en lien avec le Centre. D’autant que l’école craint de voir devoir augmenter sa contribution directe à la prise en charge des personnels résidents, au titre de la Convention qui la lie à l’Agence d’Enseignement Français à l’Étranger. Ces incertitudes contribuent sans doute à installer une ambiance parfois tendue au sein de la communauté éducative. Je reste quoi qu’il en soit en lien étroit avec l’équipe d’encadrement et les personnels enseignants et encadrant, dont la directrice Mme Hereau qui a besoin de tous les encouragements au moments où s’engagent des négociations avec le CNED d’une part et l’Aefe d’autre part. A Saint-Louis, c’est l’école française Saint-Exupéry, créée en 1979, qui retient mon attention. Ses effectifs (80 élèves sont en primaires, répartis dans cinq classes, tandis que 17 autres suivent leur scolarité via le CNED, soit deux classes) sont en baisse par rapport à l’an passé. A l ‘instar de l’école Dr Guillet, les difficultés de ressources risquent de pénaliser une école qui subit également la concurrence de nouvelles écoles internationales, en particulier turque. Le chantier de réflexion engagé par le gouvernement sur la scolarité hors de France mérite sans doute que l’on s’attarde sur l’adaptation nécessaire des conventionnements aux tailles d’établissement qui ne peuvent tous faire face ni de la manière aux respect des clauses qui les lient à l’Agence. D’ici là, il faudra sans doute des dispositions particulières pour soutenir et encourager une belle équipe au service des enfants. A suivre…
Je n’oublie pas de toutes ces visites d’écoles le soutien nécessaire qu’il faut absolument apporter aux belles écoles franco-sénégalaises. J’ai eu l’occasion d’en reparler avec des responsables des deux associations de français, Français du Monde et l’Union des Français de l’étranger. J’avais moi-même relayé leurs inquiétudes au président de la République, à l’occasion de sa visite d’État au Sénégal, quant à la pérennité de l’engagement français en faveur de cette formule éducative et culturelle. Je consacrerai une partie de mon prochain déplacement au Sénégal aux acteurs engagés de ces écoles.