Audition de Gérald Darmanin, ministre de la Justice, garde des Sceaux, en commission des Lois le 21.10.2025
Monsieur le Ministre,
Il y a des incarcérations qui émeuvent plus que d’autres. Au moment où Nicolas Sarkozy entre à la prison de la Santé, les habituels moqueurs ceux qui crient au “Club Med” en parlant des conditions d’emprisonnement, sont désormais bien silencieux. La vue de la cellule de l’ancien Président de la République réussissant enfin à ébranler celles et ceux qui n’ont cure habituellement des mineurs incarcérés dans des conditions désastreuses, des délinquants entassés à cinq et même parfois plus par cellules, de celles et ceux qui doivent vivre avec les rats, les punaises de lit, la moisissure, sans fenêtre, sans lumière, sans téléphones, sans télévisions.
La multiplication des gestes de compassion à l’égard de ce détenu contribue gravement à écorner l’indépendance de la justice, à déprécier son autorité auprès de nos concitoyens, et mine avec elle la République. Avez-vous prévu d’avoir la même compassion à l’égard des détenus de droit commun ?
Eux, sont cités dans les condamnations de la CEDH qui, à de multiples reprises, a épinglé la France pour ses conditions d’incarcération indignes. Eux, sont également cités, pas plus tard que le 15 octobre, dans un rapport de la CGLPL, faisant état de la “vétusté préoccupante” des prisons françaises, qui “porte atteinte aux droits fondamentaux de détenus”.
Je ne vais pas vous faire le détail de toutes les condamnations, de tous les rapports, de toutes les visites parlementaires qui sont accablants à tous les niveaux.
Ainsi, Monsieur le ministre de la Justice qu’en est-il de votre fameux “devoir de vigilance” à l’endroit de tous les détenus de ce pays ?
La politique du Gouvernement depuis des années est d’incarcérer tous azimuts. Les comparutions immédiates pour les mineurs de votre collègue Gabriel Attal, vos propres annonces quant à la future réforme de la Justice sur la limitation de l’individualisation des peines, la suppression de l’aménagement de peine obligatoire et du sursis : vous voulez poursuivre l’engorgement des prisons.
Enfermer c’est souvent pousser à récidiver. On espère que ce ne sera pas le cas pour Monsieur Sarkozy dont chaque épisode de délinquance coûte des millions à la France. En revanche, les mineurs de l’EPM de Marseille ou les simples détenus de la Santé seront plus exposés au risque, tant que vous ne choisirez pas de doter la Justice de moyens modernes d’exécution des peines, d’accompagnement des détenus, d’insertion des prisonniers. Augmenter les moyens et faire confiance à la PJJ, aux agents SPIP
Monsieur le Garde des Sceaux, j’étais, peut-être y étiez-vous aussi, à la cérémonie de panthéonisation de Robert Badinter. Il avait en tête cette phrase de Victor Hugo : « s’il y a un droit qu’on ne saurait retirer à quiconque, c’est le droit de devenir meilleur ». Je vous laisse la méditer.
