Billet

Crimes contre l’Humanité en Palestine : oui à tous les ralliements.

Au fil des jours qui laissent désormais sans masque ni oripeaux les plans d’éradication des Palestiniens par le gouvernement israélien, on assiste à une colère sourde de nombreux militants engagés contre la politique génocidaire de Netanyahou à Gaza. Pas seulement contre les criminels qu’ils et elles dénoncent, mais aussi contre celles et ceux qui s’étaient tus et, surtout, contre celles et ceux qui les avaient accusés d’être des gens de mauvaise fréquentations, de les réduire à ce que, pour l’immense majorité, ils n’étaient pas : des antisémites, des supporteurs du Hamas, ou les deux.

Pour ma part, je n’ai pas ce ressentiment. Au fond de moi colère et lassitude alternaient devant le renoncement de beaucoup face à l’horreur, pourtant documentée, déployée avec méthode par la vengeance israélienne. Une vengeance qui, contrairement à ce que j’ai pu lire, n’avait rien d’aveugle, mais pouvait enfin servir les desseins de l’extrême-droite raciste qui désormais a pris le pouvoir à Tel-Aviv. J’ai en même temps ressenti une forme d’admiration pour cette jeunesse engagée pour les droits et la dignité des Palestiniens partout dans le monde – et en France moins qu’ailleurs : à Londres, Barcelone, Berlin, pour ne citer que quelques grandes villes européennes. A Paris comme ailleurs, j’ai vu des citoyen.nes prendre leur part aux cris engagés.

J’ai rencontré pour la première fois Yasser Arafat en 1991, quand le siège de l’OLP était encore à Tunis. J’ai été des manifestations pour la paix et la justice qui ont émaillé les années suivant les déclarations du chef de l’Autorité palestinienne concernant la charte « caduque » de l’OLP. J’ai été envahi d’émotion en 1993 lors de sa poignée de main avec Ythzak Rabin, qui ne fut pourtant pas le plus tendre des interlocuteurs par le passé. Comment ne pas croire à la possibilité d’une fraternité autour de Jérusalem quand partout dans le monde les régimes les plus criminels étaient désavoués par leurs peuples : en Union Soviétique, en Afrique du Sud, au Chili… ? A l’époque, dans les universités, les syndicats étudiants réunissaient sur des mêmes listes l’Uejf, l’Unem, l’Useaf, l’Uget… Et puis…

J’ai vu ensuite Israël, brandi comme une démocratie populaire et « exemplaire-de-la-région » s’enlaidir par sa politique coloniale au point de se transformer peu à peu en régime raciste et néofasciste, qu’il est désormais indubitablement.

Il a quand même fallu, toutes ces années, soutenir la Palestine, les palestinien.nes comme une évidence, de là où l’on pouvait, au moins un peu. Des mots, des voyages, des manifestations, des résolutions, des aides concrètes, un soutien politique, de l’argent, aussi. Soutenir, malgré les corruptions et la montée de l’islamisme radical entretenu aussi par la droite et l’extrême-droite israéliennes, clamant l’Eretz Israël.

En plongeant dans mes archives, je vois défiler, au hasard, toutes ces formes de solidarité :

2008 : appel à la libération de Salah Hamouri

2011 : meeting de soutien « un bateau pour Gaza » ou encore l’appel pour la reconnaissance de l’État de Palestine, aux côtés d’Henri Alleg, de Gisèle Alimi ou de Stéphane Hessel

2012 : campagne de mobilisation internationale sur Twitter afin de pousser les chefs d’État à adopter aux 2/3 des membres de l’ONU l’adhésion de la Palestine comme le 194ème État

2013 : soutien à la plate-forme des ONG françaises pour la Palestine ou encore appel à l’étiquetage obligatoire des produits fabriqués dans les colonies

2014 : appel pour le dépôt de la première résolution parlementaire pour la reconnaissance de l’Etat de Palestine

2016 : Soutien au festival Palest’In & Out

2017 : soutien à l’agence Media Palestine, engagée pour la visibilité de la cause d’un peuple

Quelques exemples parmi d’autres, d’importances diverses, suivis d’autres partis pris lorsque je dirigeais l’hebdomadaire Politis (2018-2022) ou quand j’ai été en charge de la coopération décentralisée de la Seine-Saint-Denis (2019-2022) avec trois territoire palestiniens Jénine, Tulkarem et Jérusalem Est. Puis retour à l’Assemblée nationale et rebelote : UNRWA ou encore incident du domaine d’Eléona. Comme une route sans fin. Mais aussi comme une persévérance. Sauf que cette fois, on va vers le stade ultime du crime contre l’humanité, et la Cour pénale internationale ne s’est pas trompée en évoquant le risque génocidaire le 26 janvier dernier. Depuis, c’est encore pire.

Alors quand le malheur de tout un peuple atteint l’indicible au point d’en être cette fois plus visible que jamais, il faut engranger toutes les prises de position. Non seulement car il n’est jamais trop tard mais parce que tout doit être fait pour stopper la mécanique de l’extermination à l’œuvre. On ne milite pas qu’avec les gens qu’on aime, et il est des causes humaines qui sont au-dessus de notre orgueil d’avoir été là avant les autres. Les savoir sur la même ligne de combat démocratique est en soi une victoire. A défaut de la guerre militaire, gagner les cœurs et les esprits du grand nombre n’est pas un pis aller. C’est la condition d’une victoire de la morale humaine sur la déraison criminelle. C’est là la demande première de nos âmes sœurs de Palestine. La fin du calvaire, que demandent aussi les otages Israéliens depuis les massacres du 7 octobre perpétrés pas le Hamas, n’est possible qu’avec l’engagement massif de l’opinion et, en son sein, des émetteurs et des personnalités qui prennent conscience de l’impasse israélienne qu’a choisi son gouvernement ; qui prennent conscience aussi des risques immenses que cette guerre d’éradication nous fait courir à toutes et tous : se résigner à une détestation de nous-mêmes, disséminée comme autant de bombes à fragmentation. Alors, si les associations, collectifs, élus sont capables de considérer ces nouvelles consciences tardives comme leur victoire et non comme une amertume perpétuelle, la cause palestinienne pourra, encore, voire devant.

Être seul n’est pas une force : il est urgent d’élargir le front de la cause humaine et démocratique de la Palestine libre, souveraine et indépendante. Pousser notre diplomatie ; relayer les nouvelles voix qui dénoncent ; encourager celles et ceux qui essaient ; soutenir les tentatives de bonne volonté. Tant qu’il y aura des bombes il n’y a pas de naïveté. Seulement des actes.