Le Gouvernement est désormais connu. De ce bricolage politique pathétique résulte néanmoins une cohérence : une doctrine réactionnaires est aux commandes. Un pas de plus dans la fusion des droites chère à Éric Ciotti et Marion Maréchal, porteurs d’eau de Marine le Pen.
La responsabilité première est celle du Président de la République, ce point fait consensus.
Avant même cette dissolution pyromane, sa méthode et son bilan – rejetés dans le pays – n’ont fait qu’aggraver un sentiment de trahison largement répandu : cet homme, après tant d’autres, a voulu faire croire qu’il honorerait son mandat contre l’extrême-droite… en en reprenant ses mots, ses idées, jusqu’à en faire des lois ! Il en subit désormais le rythme et risque de tous nous entraîner dans le malheur.
Cette année 2024 résonne comme la fin d’un cycle pour celles et ceux de gauche qui, depuis 2014, ont soutenu ce nouveau paradigme centriste que certains -, présomptueux, ont qualifié de « central ». Aujourd’hui, face à la reconstitution d’un camp progressiste-transformateur et d’un camp conservateur-réactionnaire, il n’y a guère de place pour un « en-même-temps » devenu insignifiant. Malgré la fabuleuse mobilisation électorale des français•es, le défi d’empêcher la montée du RN, désormais proche des 40 %, est entier devant nous, plus pressant que jamais. D’autant plus que, non seulement le gouvernement Barnier semble puiser dans les obsessions identitaires et xénophobes imposées par le RN, mais le RN lui-même se réorganise rigoureusement pour gravir la dernière marche du pouvoir d’ici 2027.
Des dérives en germe dès 2017
En politique deux choses comptent, qu’il est préférable de conjuguer : l’éthique de responsabilité et l’éthique de conviction. Emmanuel Macron et ses derniers soutiens n’ont plus ni l’une ni l’autre.
Certes, en cherchant bien on pourrait dénicher, dans les décombres de son mandat, des actes qui furent judicieux (car en démocratie, il n’y a jamais de bilan absolu). Mais ces sept années furent surtout renoncement et reniement. Renoncement à sa promesse de 2017 d’une démocratie modernisée, d’une société qui avance dans le progrès. Reniement des principes et des valeurs envers lesquels, par deux fois, il s’est dit « obligé » contre le RN. Les rappels à l’ordre de M. Barnier à ses ministres sur la « philosophie de son gouvernement », sur injonction de Marine Le Pen elle-même, sonnent le glas de cette ère.
Ces dérives droitières étaient selon moi déjà écrites en 2017, malgré ce que veulent croire ou se raconter les adeptes des contes de fées et de l’audace macronienne. Pour autant, beaucoup témoignaient d’un engagement sincère à gauche, je m’en souviens. Désormais, la sortie du macronisme est aujourd’hui à l’agenda politique, mais la question se pose d’abord… pour les macronistes.
Le rêve toquevillien d’une société « lib-lib » (libérale politiquement et libérale économiquement) avait déjà séduit des sociaux-libéraux qui y trouvaient volontiers leur crédo. Mais l’illusion a fait long feu : le libéralisme économique n’étant pas un socle de valeurs mais une politique confiscatoire des riches produites le macronisme s’est de plus en plus révélé comme une réinvention de la droite, avec les mêmes vieux démons sarkozystes.
Il est souvent difficile d’opérer des ruptures sèches, c’est souvent un cheminement. Déjà il fut quelques esprits dont l’éthique de convictions était remonté à la surface lors de la énième dernière loi un l’immigration. Il en est d’autres qui ne sauraient rester insensibles à la montée des inégalités pourrissant un pays qui a pourtant encore les moyens de les réduire. Il en est même, encore trop rares, qui, nourris par un vieux fond social-démocrate keynésien (certes pas tout à fait écologiste, il faudra bien pourtant), savent qu’un pays qui investit dans ses capacités régaliennes et sociales doit aller chercher des ressources fiscales et non y renoncer. Aujourd’hui la fracture est là, la rupture est annoncée : c’est une question de semaines, peut-être même de jours. La question qui confronte désormais leur sincérité est au fond assez simple, puisqu’ils et elles prétendent vouloir gouverner (éthique de responsabilité) : avec qui ? Passons sur les circonvolutions un peu honteuses d’elles-mêmes qui ne vont pas manquer pour expliquer un « soutien exigeant » au gouvernement de Michel Barnier – celles-ci ne pourront plus être créditées de gauche. Reste l’hypothèse solide d’une alliance avec le NFP pour jeter les bases d’un programme de gouvernement. On a suffisamment rappelé que le Front Populaire de 1936 allait jusqu’aux radicaux pour l’oublier de sitôt. Certes le NFP ne renierait pas ses engagements, mais dès lors que toutes ses composantes, sans exception, se sont dit prêtes à des compromis, Lucie Castets en tête, qui aurait raison de ne pas vouloir essayer quelques pas en avant ? Alors, combien êtes-vous ? Allez-vous encore regarder vers un gouvernement réactionnaire et un Président disqualifié ? Ou avez vous encore la possibilité de quitter le monde de l’imposture pour être de nouveau porté par vos propres valeurs ? Errare humanum est, perseverare diabolicum