Délégation du PS en Tunisie : « Nous avons essayé de donner une autre image de la France »

Venue manifester son « soutien au processus démocratique » en Tunisie, une délégation du parti socialiste conduite par le député européen Harlem Désir a fait le déplacement. Egalement du voyage, Pouria Amirshahi, secrétaire national du PS à la coopération estime que « la légitimité et crédibilité de Michèle Alliot-Marie sont fortement remises en cause ».La délégation est arrivée jeudi en Tunisie. Comment se déroule votre déplacement ?
C’est très émouvant. On a rencontré des acteurs de la révolution tunisienne qui ont parfois été longtemps en exil ou en prison. On a commencé par rencontrer la Ligue des droits de l’Homme et le syndicat UGTT qui ont joué un grand rôle dans le basculement de la révolution en lançant un appel à la grève générale. Nous avons aussi rencontré les partis de gauche.

Vous venez de rencontrer Hamma Hammami, opposant et prisonnier politique du régime Ben Ali. Comment cela s’est-il déroulé ?
Ce fut une rencontre très chaleureuse. Il était encore emprisonné il y a quinze jours. Il reflète le sentiment du moment en Tunisie. A la fois une grande joie et une inquiétude sur le fait que rien n’est totalement fait.

Quel rôle compte jouer le Parti socialiste dans le cadre du processus démocratique enclenché en Tunisie ?
On s’est engagé à envoyer d’autres délégations et à entamer des négociations concrètes avec les partis de gauche démocratiques pour relayer leur message et les préoccupations que nous avons entendues. Nous allons aussi apporter notre aide en termes de logistique. Nous avons discuté avec nos amis du Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL) pour, lorsqu’ils le demandent, les aider autant que possible matériellement et leur montrer que toute la gauche française les soutient.

Dans quel état d’esprit sont les Tunisiens actuellement ?
Ils ont le sentiment d’avoir fait le plus dur en renversant le dictateur. Mais ils restent vigilants parce qu’il y a des attentes fortes sur les conquêtes démocratiques y compris sur des sujets aussi symboliques que l’abolition de la peine de mort.

Il y a encore des queues de comètes de l’ancien régime qui sont présentes. Il y a toujours un Parlement issu de l’ancien régime et une police politique qui n’est pas dissoute. Il y a également des inquiétudes économiques sur la nécessité de sortir d’un système où il y a captation des richesses économiques par une mafia, avec un Etat protecteur défaillant. Il s’agit pour eux de poursuivre le processus démocratique qui n’est pas achevé. Il y a encore ici ou là des mobilisations sociales fortes. La Tunisie est un pays en bouillonnement démocratique.

Les Tunisiens expriment-t-ils une colère face à l’attitude qui a été celle de la diplomatie française avant la chute du régime Ben Ali ?
Par rapport à la France non. Mais, il y a une amertume due à une vraie colère vis-à-vis d’une politique du silence donnant le sentiment d’une complicité. On a entendu des critiques assez fortes avec le sentiment que nous avons été dans la collusion avec les intérêts de l’ancien régime.

Comment avez-vous vécu la dernière polémique sur les vacances tunisiennes de la ministre ?
Cette ministre avait déjà perdu toute crédibilité. Avec cette histoire, elle s’enfonce encore plus avec un conflit d’intérêts qui aurait pu expliquer sa présence. La légitimité et la crédibilité de la ministre sont fortement remises en cause. Dans les rencontres que nous avons eues, nous avons essayé de donner une autre image de la France.

Michèle Alliot-Marie a reçu le nouvel chef de la diplomatie tunisienne vendredi. Le début d’une nouvelle ère dans les relations franco-tunisiennes ?
Sincèrement, Michèle Alliot-Marie et son gouvernement ont agi largement à rebours. Ils sont là dans une tentative d’effacer une tâche sur un comportement qui n’a pas été à la hauteur. Qu’elle soit dans une obligation de courir après ses propres erreurs, c’est son problème. Maintenant, ce qu’il faut, c’est que le gouvernement change de cap.

Comment les Tunisiens observent-ils ce qui se passe en Egypte ?
Ils en parlent à la fois avec fierté, considérant qu’ils ont déclenché quelque chose d’historique dans la région, mais ressentent aussi une certaine responsabilité. Ils ont le sentiment que la réussite de leur révolution constituera un véritable point d’appui pour les autres. Ils sont très préoccupés par la réussite de leur propre révolution.

Propos recueillis par Laurent Berbon