Etat de Palestine : quelles perspectives ?

Retrouvez mon intervention au colloque organisé par l’IRIS et la Fondation Gabriel Péri :

Mesdames et Messieurs,

Chers collègues,

C’est avec un immense plaisir que je vous accueille ce matin à l’Assemblée nationale pour un colloque dont je sais qu’il est très attendu. Je sais également qu’il a été préparé avec un grand professionnalisme par les équipes de l’IRIS et de la Fondation Gabriel Péri, que je remercie chaleureusement. Qu’il me soit permis, en tant que Président de l’IRIS, d’adresser de très amicales salutations à Didier Billion, Pascal Boniface et Michel Maso.

Si à partir de maintenant c’est au titre de député que je m’exprime, je ne veux pas oublier mes engagements de jeunesse et les luttes communes avec les jeunes palestiniens. Ces jeunes font d’ailleurs toujours preuve d’un optimisme et d’un engagement remarquables, malgré l’étau de l’appareil répressif israélien d’un côté et de la corruption en Palestine de l’autre côté. Au risque de surprendre ceux qui ont l’habitude de m’entendre dénoncer les agressions du gouvernement israélien et les crimes commis par son armée à l’encontre des palestiniens, je tiens aussi à mettre en cause aujourd’hui la gangrène de la corruption qui n’est jamais assez évoquée. Les révolutions de l’Histoire – et les plus récentes encore dans la Région – l’ont montré : la revendication de souveraineté populaire s’appuie tout autant sur une aspiration à la dignité que sur la colère provoquée par la confiscation des richesses par une petite poignée de nantis.

C’est au nom de ce droit à la souveraineté, que je chéris tant pour nous-mêmes et tous les peuples qui ont la chance d’y goûter, que je me suis toujours engagé en faveur de celui de Palestiniens. C’est vous dire ma joie lors du vote positif de l’Assemblée générale de l’ONU accordant le statut d’Etat observateur à la Palestine en novembre 2012. Une joie mêlée d’une certaine fierté après que le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius ait annoncé, dans l’Hémicycle tout proche, que la France voterait « oui », fidèle à sa position constante depuis 1982. C’est d’ailleurs en parfaite cohérence avec l’engagement n°59 du candidat François Hollande, pour lequel nous étions plusieurs responsables socialistes à plaider. En lien avec la société civile (Avaaz en l’occurrence), nous avons été plusieurs dizaines de parlementaires à enjoindre le Président de la République à prononcer une réponse franche et positive à la démarche onusienne de la Palestine. Il s’agissait pour nous de défendre un préalable à une reprise des négociations sur des bases plus égalitaires, d’Etat à Etat et non d’occupant à occupé. Evidemment, nous ne sommes pas naïfs sur la réalité du rapport de force. Mais l’expérience nous enseigne qu’une victoire politique en appelle d’autres, surtout quand elle est consacrée par le Droit. Elle redonne surtout confiance à un peuple qui confondait la fatalité avec son propre malheur. Ici comme en toute choses, la pédagogie des luttes a aussi sa pertinence. Dans le rapport de force avec le gouvernement hyper réactionnaire de Benjamin Netanyahu, cette reconnaissance onusienne consistait aussi, au-delà de l’enjeu juridique, à faire la démonstration du soutien international à la cause de la souveraineté palestinienne.

J’ai moi-même pu constater l’ampleur de celle-ci sur les réseaux sociaux, en initiant le mot-clé (hashtag en bon français) #Palestine194, sigle de ralliement des messages de soutien à l’adhésion de la Palestine à l’ONU en tant que 194e Etat. Des messages de solidarité ont afflué du monde entier, dans toutes les langues.

Mon engagement ne m’empêche pas d’épouser une approche pragmatique. Les postures radicales, drapées de pureté, je ne les trouve ni pertinentes, ni porteuses de solutions. Les deux camps doivent se parler, les bonnes volontés doivent s’unir. À quel point cela est-ce possible ? Difficile question que la première table-ronde de l’après-midi, « Deux peuples pour la paix ? », aura l’occasion de débattre. Je reste sceptique sur la vitalité et la force du camp de la paix en Israël. Je ne parviens pas à identifier de force politique israélienne ayant un projet de paix crédible, et susceptible d’arriver au pouvoir. J’espère très sincèrement être contredit par les intervenants qui nous ont fait le plaisir de venir aujourd’hui. Quelle forme prendrait cette paix, si nécessaire à une région troublée ? Un seul Etat ? Deux Etats ? Un Etat binational ? J’avoue ne pas avoir moi-même tranché la question – d’ailleurs est-ce à nous de le faire ? – et je ne suis sûr que d’une chose : il faut mettre fin à la colonisation. La seconde table ronde de la journée nous permettra certainement d’éclairer nos réflexions.

Le colloque doit se clôturer par un échange sur l’action des acteurs internationaux. Nul doute que la nouvelle approche américaine sera longuement discutée. Cette politique n’est certainement pas due à une soudaine philanthropie de Washington. Elle s’inscrit plutôt dans un mouvement de retrait des Etats-Unis de la région moyen-orientale, lui-même faisant suite au fiasco irakien, dont on voit encore aujourd’hui les conséquences dramatiques. Pour ma part, dans les efforts actuels de John Kerry, je perçois surtout la volonté américaine de « liquider » le conflit, considéré comme la principale source du ressentiment des Arabes vis-à-vis des Américains. Face à cet effacement, je plaide pour que les Européens s’impliquent fortement dans la défense du droit international en Palestine. Et il y a beaucoup à faire. La France peut beaucoup…si elle garde à l’esprit qu’en Palestine se joue aussi la crédibilité du projet méditerranéen. Or, je suis convaincu que notre avenir, en tant qu’européens mais aussi et surtout en tant que latins et en tant que français, se joue aussi en Méditerranée.

Avant de laisser la parole aux premiers intervenants, qui reviendront sur les mutations régionales, je veux exprimer mon entière solidarité, et celle de nombreux de mes collègues, pour les parlementaires palestiniens actuellement en détention sans jugement dans les prisons israéliennes. Au début de mon mandat, j’ai reçu Mme Fadwa Baghouti. Je lui dédicace cette rencontre. Son combat pour la libération de son mari est celui de tous les partisans de la paix, Palestiniens comme Israéliens. Puisse la raison qui les guide triompher. C’est tout ce que nous devons souhaiter. Je vous remercie.