Faire de l’expatriation une chance plutôt qu’une punition pour la France

A l’occasion d’une nouvelle étude sur la mobilité des jeunes Français, des appels à « partir faire de l’argent ailleurs » et « fuir un pays morose » se font de nouveau entendre. Dans une tribune parue dans Les Échos (et également disponible sur leur site), j’affirme au contraire que la mobilité ne signifie pas fuir la France, au prétexte que l’herbe serait plus verte ailleurs. C’est d’abord une formidable opportunité pour les Français, encore trop peu nombreux à pouvoir vivre une expérience internationale, mais aussi pour notre pays, qui bénéficiera ainsi de l’expérience acquise par nos compatriotes à l’étranger.
2454435267Partir à l’étranger ne signifie ni la recherche d’un eldorado idéalisé ni le dénigrement de son propre pays. L’injonction brutale « Barrez-vous ! » est d’une tristesse confondante. Car l’expatriation n’est ni une fuite en avant pour l’émigrant, ni une punition pour la France.

Avec plus de 2  millions de Français immigrés dans le monde, ces derniers forment une véritable diaspora. La mobilité ne se résume pas à fuir la France, sous prétexte que l’herbe serait plus verte ailleurs. Alors, un aller simple pour un ailleurs ? Ce n’est que rarement le cas, car, de plus en plus, la mobilité se pense en termes d’allers et de retours, d’étapes et de parcours de vie.

Partir, c’est se découvrir et découvrir le monde, c’est rencontrer l’autre et mettre des noms sur des visages espagnols, burkinabés et canadiens. C’est relever le défi de l’adaptation et de l’intégration. C’est une quête personnelle, aussi. C’est surtout une chance pour la France que les siens essaiment dans le monde : une langue, notre culture, des savoir-faire, des investissements, etc. Notre image est forte dans le monde aussi grâce à eux.

Les Français de l’étranger sont malheureusement comme des citoyens inconnus en France, mal identifiés et n’apparaissent que depuis peu sur les radars des débats politiques. L’appel hyper-individualiste à fuir le pays pour gagner de l’argent est un discours naïf qui se veut affriolant, mais qui ne s’adresse pourtant qu’à une minorité de notre jeunesse, la plus diplômée. Si, selon une nouvelle étude, 52 % des jeunes disent qu’ils veulent partir à l’étranger, toutes les personnes qui ont répondu positivement n’ont pas pour autant l’occasion ni les moyens de partir. Dans notre législation, il existe encore bien des obstacles à la mobilité. Il ne faut pas croire que partir, c’est aboutir. Les conditions de vie à l’étranger peuvent être difficiles. Il faut cesser de brandir l’expatriation comme seule et unique solution.

Alors oui, en termes de compétences, une expérience à l’international est un atout majeur dans certains domaines. Oui, partir à l’étranger est une opportunité à saisir, à créer. C’est pour cela qu’il faut réussir le pari de la démocratiser.

Notre pays n’est pas à la traîne. Notre jeunesse, de 20 à 30 ans s’internationalise enfin, nous dit-on. C’est vrai. C’est une des réussites de l’Union européenne et des pays membres dedrapeaux l’Espace Schengen, c’est un des objectifs des politiques de facilitation des visas, c’est un des aboutissements des accords bilatéraux de mobilité. Nous poussons nos universités et nos grandes écoles à s’internationaliser, tant mieux. Le gouvernement ouvre les volontariats internationaux aux licences professionnelles, c’est une excellente initiative.

Allons encore plus loin. La protection sociale est sans doute l’un des premiers défis à relever. En tant qu’étudiant ou volontaire international, salarié détaché au sein de grandes entreprises, les prises en charge sont soient prévues, soit abordables sur des périodes de courte durée. Le problème se pose réellement pour les contrats locaux, les entrepreneurs, et tous les Français qui partent à l’étranger, projet(s) sous le bras et idées plein la tête.

La portabilité des droits, notamment pour la retraite, est un impératif si nous souhaitons promouvoir et favoriser la mobilité de nos compatriotes. Il est anormal que les Français ayant exercé une activité à l’étranger soient pénalisés du fait d’une carrière internationale.

Partir, c’est aussi mieux revenir. Si les mobilités aujourd’hui sont à penser en termes de parcours, le retour, qu’il soit une étape ou définitif, doit également se préparer. Pour beaucoup, le retour représente un défi relationnel, et aussi économique. Et il y a là un manque d’adaptation et de cohérence dans le système, que ce soit pour l’accompagnement des entreprises ou des personnes, pour lesquelles les périodes de chômage sont parfois difficiles à dépasser, surtout que Pôle Emploi prend peu en compte les acquis d’expérience à l’étranger.

Enfin, on doit aussi penser ce débat au sein de la francophonie. La mobilité au cœur de cet espace n’est pas exclusive, mais les Français sont naturellement attirés par des pays où la langue française est parlée. J’ai plusieurs fois évoqué la création d’un « passeport » ou « visa » économique et culturel de la francophonie permettant aux étudiants, aux chefs d’entreprise, aux chercheurs, aux artistes de s’inscrire dans des parcours de mobilité.

Les distances se réduisent, les échanges se multiplient et nous avons encore plus qu’avant la possibilité d’expérimenter une citoyenneté mondiale. C’est cette possibilité que nous devons rendre accessible au plus grand nombre.

Les points à retenir
– L’appel hyper-individualiste à fuir le pays pour gagner de l’argent est un discours naïf qui ne s’adresse qu’à une minorité de notre jeunesse, la plus diplômée.
– Notre jeunesse s’internationalise, c’est vrai, mais il existe encore bien des obstacles à la mobilité.
– Pour aller plus loin, la protection sociale des expatriés est l’un des premiers défis à relever.
– La portabilité des droits, notamment pour la retraite, est un impératif si nous voulons favoriser la mobilité de nos compatriotes.