Marylise Lebranchu, Ministre de la Fonction publique, vient d’annoncer la fin du jour de carence supplémentaire dans l’administration publique. Mise en place durant la précédente mandature, cette mesure qui était censée limiter le nombre d’arrêts maladies, s’est finalement avérée inefficace. D’autant plus que l’objectif sous-jacent était de réaliser des économies budgétaires sur le dos de la santé des employés. Économies qui n’ont finalement même pas rapporté la somme escomptée, puisque seul 60 millions d’euros sur les 120 millions évalués se sont retrouvés dans le giron des finances publiques.
Contrairement au secteur privé où le jour de carence est majoritairement pris en charge par l’employeur selon les conventions collectives, les fonctionnaires ont connu une diminution injustifiée de leurs salaires, sans agir sur le taux d’absentéisme. Pouria Amirshahi se félicite de cette décision qui devrait concerner tous les fonctionnaires en France et à l’étranger. Pourquoi supprimer le jour de carence ?
• Le jour de carence a été créé par le précédent gouvernement dans le cadre de la loi de finances pour 2012 au motif que les fonctionnaires étaient avantagés par rapport aux salariés soumis à 3 jours de carence. L’objectif affiché était de lutter contre l’absentéisme, supposé plus élevé, dans la fonction publique et de restaurer l’équité entre salariés et agents publics. L’objectif sous-jacent était de réaliser des économies budgétaires.
• Un an après la création du jour de carence, un premier bilan du dispositif a été établi et démontre que le jour de carence n’a pas les effets que l’ancien gouvernement escomptait :
• En termes d’équité : deux tiers des salariés du privé bénéficient d’une prise en charge des jours de carence en application d’une convention de branche ou d’entreprise. Le jour de carence dans la fonction publique a lui privé de toute rémunération 100% des agents publics pour le premier jour de leur arrêt maladie.
• En ce qui concerne l’absentéisme les effets ne sont pas démontrés : le nombre de congés maladie est resté quasi stable à l’Etat en 2012 et plus des deux tiers des agents ayant eu un jour de carence n’ont eu qu’un arrêt maladie dans l’année. Il n’est pas mis en évidence de recul significatif généralisé des arrêts de courte durée entre 2011 et 2012 : la proportion d’agents en arrêt court est passée de 1,2% à 1,0% dans la FPE, de 0,8% à 0,7% dans la FPH mais est restée stable dans la FPT à 1,1%. Si chez certains employeurs, le nombre d’arrêts a pu diminuer l’on observe aussi un allongement de la durée des congés maladies.
• Les économies budgétaires sont quant à elles moins importantes que prévues : la mesure a rapporté 60M€ à l’Etat alors qu’elle avait été évaluée à 120M€.
Le gouvernement renonce-t-il à la lutte contre l’absentéisme ?
• Il n’y a pas de problème d’absentéisme propre à la fonction publique : une étude récente de la DARES sur les absences au travail pour raison de santé en 2011 démontre que les comportements ne sont pas différents entre fonctionnaires et salariés en CDI en matière d’arrêt de travail (3,9% d’absents pour raison de santé chez les fonctionnaires titulaires pour 3,7% chez les salariés en CDI).
• L’absentéisme dans la fonction publique est équivalent à celui du secteur privé alors que les absences pour raisons médicales augmentent en fonction de deux critères qui caractérisent les fonctionnaires : l’âge et la féminisation de l’emploi. Les femmes sont plus nombreuses dans la fonction publique (60,5% pour 47,5% dans le privé) et les fonctionnaires y sont en moyenne plus âgés (16% de plus de 55 ans pour 12,5% dans le privé).
• Les effets sur l’absentéisme du jour de carence ne sont pas démontrés :
o soit les arrêts maladie sont restés stables, c’est le cas pour la fonction publique de l’Etat où plus des deux tiers des agents ayant eu un jour de carence n’ont eu qu’un arrêt maladie dans l’année.
o soit, lorsqu’il y a eu baisse du nombre d’arrêts de courte durée, les employeurs ont constatés un allongement de la durée moyenne des arrêts ou une hausse des accidents du travail. Le jour de carence a donc pu aggraver les conditions de travail.
• Les problèmes d’absentéisme lorsqu’ils existent ne se résolvent pas par des mesures de sanction comme l’est le jour de carence :
o L’absentéisme est le plus souvent le révélateur de conditions de travail difficiles : il faut donc travailler sur les causes et non sur les symptômes. C’est ce que la Ministre souhaite faire avec les organisations syndicales dans le cadre de la concertation sur l’amélioration des conditions de vie au travail où sera aborder notamment les questions de la qualité de vie au travail ou de la prévention des risques professionnels.
• Il y a dans la fonction publique, comme dans le secteur privé, des cas de recours abusifs aux arrêts maladies : c’est contre ceux-là qu’il faut lutter et pour cela le gouvernement travaillera à l’amélioration des dispositifs de contrôle.
o Le contrôle des arrêts maladie aujourd’hui à l’état d’expérimentation, sera généralisé (contrôle des arrêts de moins de six mois, des arrêts répétitifs et des horaires de sortie). Les arrêts maladie des fonctionnaires seront donc contrôlés dans les mêmes conditions que pour les salariés.
o L’obligation de transmission dans un délai de 48 heures des certificats médicaux ouvrant droit aux congés maladie sera par ailleurs strictement contrôlée et renforcée. Une disposition législative sera proposée afin que dès lors que l’arrêt maladie n’est pas justifié une retenue sur salaire soit effectuée.
Comment la mesure est-elle financée ?
o L’abrogation du jour de carence représente une dépense de moins de 0,1% de la masse salariale (pour l’Etat, 60 M€ pour une masse salariale de 81 Mds€).
o L’impact de cette mesure sera compensé en gestion par les employeurs publics afin d’assurer le respect des enveloppes de masse salariale arbitrées.