Du 31 octobre au 4 novembre, je me suis rendu à Beyrouth. Invité par le Salon du livre francophone j’ai présenté mes réflexions, et celle du parti socialiste, sur un projet politique francophone…J’en ai profité pour rencontrer les partis politiques représentés au Parlement libanais et, enfin, aider nos candidats pour la 10ème circonscription des français de l’étranger. Et découvrir un pays absolument singulier et fascinant… Ces fragments de carnets ont été, pour l’essentiel, publiés sur facebook. Mais tout le monde n’est pas sur facebook; de plus, un peu de recul me permet de relire et de compléter. Bonne lecture…
Lendemain du 1er jour…premières impressions
C’est un monde ici! Une hyper Ville en chantier permanent qui porte en son sein tant d’identités. Évidemment, après une journée où on ne parle que du Liban (ou presque) avec des libanais ou des résidents, on se rend effectivement compte que les communautés sont très structurantes, indépendamment de la croyance, ou non, des individus. On est d’abord maronite, druze, chiite, sunnite etc. Non, en fait, on est d’abord libanais, c’est même une fierté que de l’être. Mais, même athée, on est difficilement libanais et…rien d’autre.
Hier j’ai tenu ma conférence sur la francophonie, les cultures francophones au salon francophone du livre. J’en suis assez content, en particulier grâce à ces libanais qui sont venus me féliciter après, émus de voir « enfin un projet pour nous, tous les francophones du monde »! Cela m’encourage à continuer… Si chacun comprend que le français n’est plus la langue d’expansion ou de rayonnement d’une puissance mais le patrimoine commun de plusieurs peuples, alors cette langue fera toujours battre les cœurs et la raison. Elle progressera même dans le monde, pourvu qu’on permette à tous ses locuteurs et à toutes ses œuvres de circuler au sein d’un même espace de coopération. C’est l’enjeu politique de la francophonie selon moi…[1]
Aujourd’hui, deuxième jour, en compagnie de Richard Yung (sénateur des français de l’étranger), Jean-Daniel Chaoui (candidat dans cette circonscription) et Rita Maalouf (sa suppléante), et aussi Hiba Mokkaden de l’ADFE et de la mission laïque, la journée sera plus tournée vers la politique intérieure et ponctuée des rdv avec des partis et des parlementaires.
Les choses sérieuses ont commencé mardi matin, par une rencontre avec les associations de français du Liban (il y en plusieurs, mais deux principales: l’une, Union des Français de l’Étranger, plutôt classée à droite et l’autre, l’Association Démocratique des Français à l’Etranger, qui est progressiste – pour ce qui ne comprennent pas ces subtilités, dites-vous que c’est un peu comme la Peep et la FCPE…). Ordre du jour: préoccupations concrètes, souvent d’ordre juridique et social, de français établis ici. Forcément, on écoute, on apprend.
Les deux rencontres suivantes furent très intéressantes et instructives: l’Agence française de développement, très présente ici, m’expose – au milieu de passionnants développements et exemples de projets – qu’il y a quelques années, elle avait conditionné son aide budgétaire au secteur des télécom du Liban à la condition que les autorités libanaises « engagent des réformes nécessaires », c’est-à-dire les privatisent… Décidément la prédation et l’arrogance ont fait dans le monde autant de mal que la corruption endogène… J’aurais aimé que mon pays eut une approche plus intelligente, respectueuses et progressiste, des politiques de coopération. Cela devra changer en 2012…
Le rendez-vous suivant avec l’équipe de Salwa Nacouzi de l’agence universitaire de la francophonie confirma combien est grand le décalage entre les grands discours poussiéreux et souvent dépassés de certaines élites sur la francophonie et l’engagement ingénieux et généreux des acteurs de la francophonie sur le terrain. Décidément…
Déjeuner. À table, le député du parti national syrien et social (en gros, un député libanais qui défend l’idée d’une grande Syrie…pas le genre de projet à la mode en ce moment dans la Région mais bon, cohérent le gars…); Georges Corm, ancien ministre de l’économie (et économiste clairement de gauche, militant de l’intégration économique régionale) qui fut entre autres auteur de l’excellent « le proche-orient éclaté »[2]. À mes côtés également, le directeur du CSA libanais (dont je ne retrouve plus le nom : ah, ce que c’est de ne pas tout noter! Mes excuses s’il me lit…); pas facile pour lui de surveiller les temps de parole de dizaine de partis répartis en 18 approches confessionnelles… Blague à part, il me fait cette remarque intéressante: « j’ai moins de pouvoir désormais car au Liban, l’idée de l’Etat recule ». Terrible remarque qui m’accompagnera tout le séjour, tellement elle semble résumer tout l’enjeu d’un rêve libanais. Une utopie? En tout cas, ils sont tous ici d’une remarquable sagesse, d’un grand optimisme et bourrés d’une érudition intimidante. Des philosophes praticiens en somme…