Retour de Conakry

Au départ de Paris, les passagers ont eu l’air tout excité lorsque de jeunes hommes, en survêtement rouge, montent à leur tour dans l’avion. Il s’agissait de l’équipe nationale guinéenne de football ! Plus discrets, des personnalités politiques et diplomatiques qui se rendaient à Conakry pour des journées décisives pour l’avenir du pays : MM Cellou Dalein Diallo et Lansana Kouyaté, opposants au président Alpha Condé. Je reconnais aussi Robert Bourgi – envoyé spécial de l’OIF – et M. Saïd Djinnit – envoyé spécial de Ban Ki Moon – qui a, trois jours durant, coordonné les discussions pour une sortie de crise. Leur déplacement n’aura pas été vain : en effet, à l’heure où j’écris ces lignes, il semble qu’un accord politique en vue de la tenue des prochaines élections législatives ait été trouvé. Pourvu qu’il soit solide, dans l’intérêt même de la Guinée.

Malgré une période de tensions pré-électorales relativement inquiétante, j’ai tenu à me rendre auprès de nos compatriotes établis en Guinée pour un déplacement de deux jours. Durant ce séjour, j’ai tenu des permanences parlementaires et j’ai eu l’occasion de longuement échanger avec nos conseillers du commerce extérieur. En outre, je me suis entretenu avec le Président Alpha Condé (voir le communiqué de presse de la Présidence guinéenne), le Premier Ministre, le Ministre de l’Enseignement supérieur et la Présidente du Conseil national de Transition. J’avais auparavant rencontré à Paris un représentant de l’opposant Cellou Dalein Diallo.

Entretien avec Alpha Condé

Dans un pays de 12 millions d’habitants, nos compatriotes sont près de 3000, un chiffre en légère progression. L’implantation de la communauté française est essentiellement urbaine, centrée sur la ville de Conakry qui rassemble un quart de la population du pays. En termes de présence économique, nos entreprises sont présentes dans les domaines de la banque, de l’assurance, de la téléphonie, du transit, de la distribution d’essence et du transport aérien. Mais cela ne tient pas compte de tous les responsables de PME et de commerces qui sont établis en Guinée depuis longtemps.

Je tiens à remercier très chaleureusement l’ambassadeur de France Bertrand Cochery pour sa disponibilité et les riches échanges que nous avons eu tout le long de mon séjour en Guinée. Un immense merci également à l’ensemble de ses services que j’ai eu l’occasion de rencontrer durant ces deux jours, et dont les éclairages me sont extrêmement utiles.

Merci aussi à mes amis Ali Fawaz et François Martin qui m’ont accompagné durant ces quelques jours.

Dans ce compte-rendu, j’ai privilégié une présentation thématique et non chronologique, navigant entre enjeux guinéens et vie de la communauté française, mais aussi sur les actions de coopérations engagées par la France dans différents domaines.

Bonne lecture.

 

Gouvernance, Démocratie et État de droit

Réunion de travail à l'ambassade
Réunion de travail à l’ambassade

Outre des actions en faveur des jeunes filles guinéennes, nous avons des programmes de soutien à la jeunesse dans plusieurs domaines, culturel, sportif, démocratie et développement économique. Grâce au Fonds de solidarité prioritaire (FSP) du Ministère des Affaires étrangères consacré à la sortie de crise 2012-2014, et nous venons en appui aux institutions, à la modernisation de l’administration et à la décentralisation. Dans ce cadre, des politiques expérimentales sont menées et l’objectif de notre ambassadeur est désormais de développer la coopération décentralisée entre les villes françaises (à l’instar de Lyon) et guinéennes. Outre sept experts techniques internationaux, les programmes peuvent compter sur un volontaire qui travaille sur la féminisation et le rajeunissement de l’administration.

Au niveau de la coopération universitaire, la France poursuit une politique d’attribution de bourses doctorales, notamment dans le domaine médical. Il existe un fort partenariat avec deux universités de Toulouse (Paul Sabatier et Le Mirail) dont des professeurs étaient présents à Conakry durant mon déplacement. La création d’un club des anciens élèves guinéens passés dans les universités françaises est à l’étude, avec à l’esprit la nécessité d’éviter toute récupération politique. Il pourrait bien prendre la forme d’une association virtuelle, d’abord présente sur la toile. À suivre…

La drogue au cœur des préoccupations

C’est la Guinée-Bissau voisine, réputée être la porte d’entrée du trafic de drogue qui pourrit l’Afrique, qui inquiète…

Les narcotrafiquants colombiens n’ont plus pignon sur rue à Conakry comme autrefois mais la Guinée demeure un pays de transit de la drogue, notamment en direction du Mali. Avec l’opération Serval, il y a une reconversion de trafic par la voix aérienne vers le Maroc, ou par voie terrestre à travers le Sénégal. Le drame est que Guinée est devenue un pays de consommation à cause notamment du très faible coût des drogues synthétiques, c’est-à-dire les plus dangereuses.

Je reste troublé par la faiblesse, dans la politique internationale, des dispositifs de lutte contre le trafic mondial des drogues dures, pourtant source de nombreuses déstabilisations voire d’effondrement des États fragiles qui ne dotent pas leurs administrations, leurs douanes, leurs collectivités des capacités de résistance aux circuits de corruption. C’est tout le Sahel qui est concerné par cette bataille. Elle doit être relayée par touts les Etats africains, appuyée par l’ONU. C’est une question vitale…

Il semble que le chanvre indien soit particulièrement présent en Guinée. D’abord limitée à une production sierra-léonaise puis frontalière, sa culture s’est ensuite répandue à l’ensemble de la Guinée, dispersée au milieu des autres cultures sur l’ensemble du territoire. Celle-ci n’est pas structurée, mais résulte d’initiatives isolées de paysans, qui améliorent leur fin de mois. Si sur la période 2010-11, la population principalement touchée était les 20-25 ans, on observe aujourd’hui ses dégâts sur les 13-17 ans, des filles comme ds garçons.

La cocaïne vient quant à elle directement d’Amérique du Sud. Elle remonte ensuite vers l’Europe et le Machrek en passant par les routes Niger-Libye et Mauritanie-Maroc. Suite à l’intervention en Lybie, beaucoup de narcotrafiquants se sont réfugiés dans le Nord-Est de la Guinée, zones aurifères. C’est une réelle préoccupation pour les autorités guinéennes. Il n’y a pas de guerre entre mafias, le marché est assez grand pour les trafiquants qui, dès lors, ont le temps de s’organiser… S’il existe un Comité interministériel de lutte contre les stupéfiants, celui-ci ne s’est réuni qu’une seule fois en 2005.

Il faut envisager, comme le suggère notre ambassadeur, en lien avec les autorités guinéennes, une action concomitante du haut vers le bas – attaques contre les têtes de réseau – et du bas vers le haut – éducation, société civile.