L’obsession ultra-sécuritaire a donc trouvé une cible : les parents.

Mes interventions au sujet de la proposition de loi de LR visant à « supprimer les allocations familiales aux familles de mineurs délinquants ».

PREMIÈRE INTERVENTION
Après Gabriel Attal qui propose dans une PPL de sanctionner les parents de mineurs délinquants, nous voici donc devant une proposition de loi du même acabit du groupe de droite républicaine. Une proposition, je vous le rappelle, qui figurait déjà au programme de Jean-Marie Le Pen en 1986.

A la lecture de ce texte, quelques exemples me viennent en tête. Prenez un jeune de quatorze ans qui stationne son scooter de façon incorrecte et écope d’une amende de 38 €. Sa famille, toute sa famille, se voit suspendre les allocations familiales pendant un mois. Pendant un mois. Vous mettez en péril toute une cellule familiale, la santé physique et mentale, la sécurité pour un scooter mal garé, prenez une fratrie de quatre dont trois des frères et sœurs, bon an mal an, réussissent leur parcours de vie. Si le ou la quatrième commet une faute, un délit ou un crime, c’est l’ensemble de la famille, parfois portée par une mère seule qui est pénalisé. Est-ce-que vous imaginez les conséquences radicales pour cette famille, pour des familles qui vont s’enfoncer encore un peu plus au détriment de toute la société ?

À l’évidence, votre mesure ne ferait qu’aggraver la fragilité des familles avec des effets en spirale désastreux. Et que dire des effets à l’égard du mineur fautif ? Nul ou même négatif ? Je sais que vous avez hâte de pouvoir les mettre en prison puisque vous soutenez la prochaine proposition de loi de M.Attal sur la comparution immédiate. Mais souffrez que d’autres points de vue, plus sages, plus efficaces, essaient de vous faire entendre raison. Voyez-vous, les allocations familiales ne sont pas seulement la traduction d’une politique nataliste, mais bien plutôt un outil pour que les parents de famille nombreuse puissent subvenir aux besoins de leurs enfants, à leur épanouissement et à leurs chances d’émancipation.

Aider des parents dans l’éducation de leurs enfants, ce à quoi aucun parent n’a jamais été préparé avant de devenir. Voilà une vraie ambition de service public et de politique sociale, car répondre à leurs besoins matériels et moraux n’est pas facile et même très difficile dans certaines configurations familiales. Les professionnels de la justice des mineurs sont formels : les solutions éducatives qui impliquent les enfants et les encadrants formés constituent la meilleure voie.

Cette année, 500 postes ont été supprimés à la PJJ et les taux d’encadrements deviennent intenables. Rien que dans la division Île de France et outre mer, ce sont 60 postes annoncés. Je conclus. La seule chose que vous avez financée dans le budget rabougri qui s’annonce, c’est plus de solutions d’enfermement plutôt que des solutions d’éducation et de réparation. Vous vous égarez. Nous tenons la boussole du principe du droit de l’esprit de 1945 et nous nous opposerons à ce texte.


DEUXIÈME INTERVENTION
Oui, monsieur le rapporteur, vous n’avez pas répondu à toutes les questions de différents bords. Il y a un principe de personnalité de la peine Je voudrais le rappeler ici : nul ne peut être tenu pour responsable d’un fait ou d’un acte délictueux qu’il n’a pas commis, sauf en cas de complicité.

Et ce qui vient d’être dit sur le fait qu’il doit y avoir au moins une causalité établie entre la défaillance parentale supposée et l’acte lui-même…hé bien vous en êtes loin. Vous vous condamnez des parents pour la faute d’un enfant, d’un de ses enfants, faute à laquelle il peut, ou elle peut avoir été tout à fait étranger.

Mon collègue Hendrik Davi ressentait qu’un certain nombre de vos propositions alimentaient le conflit de classe. Mais c’est ce que vous faites là. Et inquiétez vous des conséquences, y compris la perception que l’opinion peut en avoir. Pardon de citer des noms de famille, mais s’ils étaient ou s’ils avaient été pris sur le fait de crimes ou délits, les enfants de M.Arnaud M.Sarkozy ou d’autres, eux qui n’ont sans doute pas d’allocations familiales ne se verraient pas directement sanctionnés. Mais les autres oui, et parfois pour des faits moins graves. Réfléchissez y : ce n’est quand même pas une petite question que ce rapport de l’égalité face à la peine, selon sa condition.

Je conclus sur ce sujet : vous avez vous même, et à juste titre, monsieur le rapporteur tout à l’heure, dit que, lorsque les parents étaient invités à accompagner leur enfant mineur mis en cause, le père était souvent défaillant, en tout cas plus souvent que la mère.

Vous vous rendez compte que par la disposition que vous vous installez là, vous allez enfoncer encore plus la mère seule, parce que le père, lui, vous ne le rappelez pas ses obligations. Donc c’est toute la famille qui va se retrouver en difficulté inouïe et la mère en premier. Donc sans invectives, sans aucune attaque ad hominem : je vous appelle vraiment à la raison. Vous ne pouvez pas comme ça, avec facilité ou par simple posture, entraîner le pays dans des distorsions de droit aussi forte.