La proposition de résolution européenne pour un débat démocratique sur l’accord économique et commercial global (CETA), a été examinée hier en séance, à l’initiative du groupe communiste de l’Assemblée nationale.
J’ai voté en faveur de cette résolution qui a été adoptée et qui demande l’organisation d’un débat national et d’un référendum.
Voici la vidéo de mon intervention en discussion générale :
Intervention Pouria Amirshahi sur le CETA par PouriaAmirshahi
Verbatim (seul le prononcé faisant foi) :
Chers collègues députés,
Monsieur le ministre,
Je tiens à remercier le groupe GDR pour l’organisation de ce débat consacré au CETA, qui arrive enfin dans l’hémicycle de la représentation nationale.
Le CETA repose – en tant qu’accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Canada – sur le principe de suppression des barrières douanières.
Avant même d’évoquer le contenu des dispositions du Traité, je veux dénoncer, avec d’autres, nombreux, le scandale anti-démocratique auquel nous assistons. Comme pour le TAFTA, ce traité de libre-échange avec les États-Unis, les négociations n’ont pas été transparentes ; par un détournement des institutions démocratiques, les négociateurs ont même accepté cette incroyable procédure qui consiste à mettre en œuvre 90% des dispositions du Traité dès le 1er mars … avant même son éventuelle validation par les parlements nationaux. Non seulement les souveraines et indispensables délibérations sont piétinées, mais une telle méthode est celle d’apprentis sorciers : car que se passera-t-il si demain un parlement le rejette alors même que ses clauses sont déjà actives, ayant entraîné de nouvelles situations de droit et des conséquences irréversibles ?
Notre inquiétude est d’autant plus fondée que le contenu même du CETA est dangereux pour l’environnement, pour les droits des travailleurs et des consommateurs, les filières agricoles et même la diversité culturelle. Je veux en donner ici quelques illustrations.
92% des produits agricoles et alimentaires pourront circuler librement entre les deux parties ; il en sera de même pour les viandes bovine et porcine, ou encore les produits laitiers, sous réserve de quotas (140 000 tonnes de viandes canadiennes pourront être vendues en Europe). Hormis la satisfaction d’intérêts commerciaux privés, l’Union européenne – qui produit déjà 7,2 millions de tonnes – n’a absolument pas besoin de ces importations. D’ailleurs monsieur le Ministre, pouvez-vous citer un éleveur, une organisation interprofessionnelle qui se réjouit de ces nouveaux contingents bovins octroyés au Canada ?
J’ajoute que l’application du CETA revient à fouler aux pieds l’accord international de Paris sur le Climat, qui prévoit à l’inverse et justement de réduire encore les émissions de gaz à effet de serre émanant des moyens de transports, y compris maritimes. L’augmentation du volume d’échanges commerciaux non indispensables aggrave la pollution et menace donc directement notre santé et la biodiversité.
Pour ces seules raisons, Monsieur le Ministre, comment pouvez-vous qualifier le CETA d’accord progressiste ?
Les avocats du Traité n’ont pas ménagé leurs efforts ces derniers temps pour tenter de rassurer la société civile, mais un peu comme le serpent Kaa avec le jeune Mowgli si vous voyez ce que je veux dire. Or leurs arguments sont souvent contestables : en terme d’emplois, aucun économiste n’est en mesure de prouver la moindre création d’emplois ni de richesse. Et si la commission européenne prévoit péniblement un ridicule accroissement du PIB de seulement 0,03%, d’autres études d’impact prédisent la destruction de 200 000 emplois à l’échelle de notre continent dont 40 000 pour la France. Rappelons-nous au passage que le traité de libre-échange américain ALENA prévoyait la création de 20 millions d’emplois, et qu’il en a détruit au final 900 000.
Du point de vue des normes, si des restrictions ont été posées par l’union européenne à l’importation de bœuf aux hormones, du poulet au chlore, du porc à la ractopramine ou des nouveaux OGM, il n’est nulle part inscrit le principe de précaution, pourtant au fondement du droit européen. Dès lors, tout nouveau risque sanitaire et alimentaire sera étudié au cas par cas, au regard du seul intérêt des entreprises commerciales et non de l’intérêt général. Car ce que prévoit le traité c’est la possibilité donnée aux investisseurs privés d’attaquer unilatéralement un État, sans que d’ailleurs l’inverse soit prévu. Les multinationales pourront pour cela utiliser le tribunal arbitral institué par le CETA, ce qui n’a pas manqué d’en inquiéter beaucoup comme la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme ou encore des juristes qui doutent de la compatibilité de ce dispositif de règlement des litiges avec le droit communautaire.
En vérité, le CETA fait courir de graves risques écologiques, sanitaires et démocratiques et notre rôle est de l’en empêcher.
En vérité le CETA est l’instrument d’une idéologie absurde, dangereuse et désormais archaïque, celle de la « concurrence libre et non faussée » qui fait tant de dégâts sociaux et environnementaux.
En vérité monsieur le Ministre, le CETA est à contre-courant du grand enjeu moderne que constitue la redéfinition des règles de production et de distribution des marchandises, des biens et des services : la relocalisation des productions quand cela est possible et le développement des circuits courts. Certains espaces économiques ont d’ailleurs déjà engagé ce processus : c’est par exemple ainsi que la Chine privilégie son marché intérieur. Vous aurez observé aussi que des grandes entreprises ont intégré des stratégies de « démondialisation », parce que les coûts de production et de transports de marchandises ne baissent plus mais aussi parce que chacun constate cette « stagnation séculaire » à l’œuvre qui remet de fait en cause la culture croissanciste qui nous est imposée.
Nous opposons à la vision cynique d’un libre-échange destructeur un autre principe : celui d’un commerce international équitable, écologique et sobre dont les normes protectrices sont définies par la voie démocratique et non par des puissances hostiles au bien commun et à l’intérêt général. Oui, cette ambition mérite bien un grand débat national sanctionné par un vote.