Thomas Keenan est enseignant au Bard college. Il nous accueille chez lui, nous offre le café et, comme si le décor ne comptait pas, il nous parle du monde et de l’Amérique.
Modeste par sa taille (2000 étudiants), l’établissement est partie prenante de nombreux partenariats universitaires dédiés aux droits humains et à l’État de Droit, sur presque tous les continents : en Palestine, au Kirghizistan, en Ukraine en Autriche… L’objectif est de construire une sorte de carte académique des libertés et des droits démocratiques.
Sur le front universitaire, une digue aussi se dessine… Bonne nouvelle.
Viennent les États-Unis. Sur de nombreux points, Trump n’est pas une génération spontanée, ni ne tombe du ciel, il est la suite de ce qu’annonçaient déjà Reagan et Bush(s). Sauf que les prisons disséminées aux quatre coins de la planète étaient loin, on ne connaissait pas les gens. Aujourd’hui « j’ai même des amis qui connaissent personnellement Mahmoud Khalil » nous dit-il.
La deuxième filiation de Trump est peut-être aussi à rechercher du côté du McCarthysme : il y a une obsession de nettoyer l’Amérique d’une influence culturelle jugée moralement corruptible. Tous les programmes scolaires sont par exemple surveillés et dénoncés. Mais la nouvelle administration va plus loin et s’en prend désormais aux élus…
Enfin, Trump se distingue par une obsession, qui semble d’ailleurs être celle de toutes les extrêmes droites nationalistes d’aujourd’hui : les étrangers, les immigrés. Dénigrements humains, mensonges économiques, privations de droits sociaux… La remigration annoncée marque une rupture spécifique radicale dans l’histoire des USA, dont l’histoire est d’abord une histoire d’immigration.
J’ai également rencontré Maxine Dexter, Députée de l’Oregon, issue de la working-class. Je reviendrai sur cet échange plus tard. Mais je retiens surtout que – un peu comme sur l’immigration – un pilier de la culture américaine est battu en brèche : le rêve américain, qui laisse croire à la possibilité d’une ascension sociale par l’effort, le travail, voire le risque.
Désormais, le modèle vendu est simple : devenir milliardaire, puisque seul le milliardaire est légitime.
La journée se termine par cette remarque d’un chauffeur de taxi à qui je demande ce qu’il pense des bombardements décidés par Trump sur l’Iran :
« Israël a commencé sa guerre et a mis un an à convaincre les Etats-Unis de s’y joindre. En faisant ça, Trump met une cible dans le dos des Américains. »
15 minutes de conversation s’en suivent, situation économique, mensonges aux « farmers », immigration, inconstitutionnalité.
Au détour de la conversation, « I worked in Capitol Hill for years and studied politics », said the taxi driver.
L’Amérique de Trump. Le capitalisme prédateur.