La francophonie: réalités et potentialités

Vous trouverez ci-dessous ma contribution au 100ème numéro de la revue Recherches Internationales, consacré à la diplomatie française et à laquelle j’ai eu l’honneur de participer en tant que rapporteur du rapport d’information Pour une ambition francophone.

 

LA FRANCOPHONIE : REALITES ET POTENTIALITES

« Ma patrie, c’est la langue française »

Albert camus

Le contexte mondial est porteur d’un possible renouveau pour la francophonie… ou de son effacement progressif. Les bouleversements en cours réinterrogent les identités. Les enjeux géoculturels deviennent structurants, des aires linguistiques s’organisent. Des langues s’affirment, consolident leurs espaces naturels et se diffusent au-delà. Le chinois, l’arabe, l’espagnol, le portugais notamment sont de celles-là, solidement installées dans le paysage international. Autrement dit, il existe une géopolitique des langues, et donc de la francophonie. À l’heure où la diplomatie d’influence joue un rôle prépondérant, des pays ont pris conscience du vecteur linguistique dans l’affirmation de leur puissance tandis que d’autres ont compris leur intérêt à s’unir autour de la langue.

La langue française peut être une composante majeure du plurilinguisme mondial. C’est un enjeu qui relève directement de notre intérêt national et il en va certainement de même pour les autres nations qui ont le français en patrimoine vivant. Pour chacun, la langue française et son poids sont un atout inestimable pour se renforcer dans l’économie et le commerce mondial. Encore faut-il en avoir conscience et, si on veut promettre à la langue française un avenir, encore faut-il que les francophones du monde entier s’accordent – aient envie de s’accorder – sur une stratégie internationale. Le temps est révolu où le rayonnement du français reposait principalement sur celui de l’Histoire de la France. En revanche le risque que l’influence de la France recule si la place du français recule est avéré.

Or, dans ce domaine, la désinvolture domine scandaleusement les attitudes et les décisions des élites françaises, bien des faits en témoignent. Par snobisme ou par négligence, par servitude ou par reniement, leur mimétisme anglais n’en finit pas de surprendre le monde entier, où existe pourtant encore un enthousiasme et des attentes à l’égard de la francophonie. Comme s’il s’agissait de donner à penser que la langue française n’aurait rien de moderne, voire qu’elle appartiendrait au passé. Tout au plus lui reconnaît-on de ce côté-ci une valeur littéraire… mais inutile au monde contemporain.

À ces absurdes renoncements font souvent face, hélas, de mauvais avocats, qui défendent la langue française au nom de qualités intrinsèques prétendument supérieures, qui lui attribuent des valeurs politiques voire morales exceptionnelles, comme si la démocratie ne pouvait se penser en arabe, en espagnol, en anglais ou dans n’importe quelle autre langue du monde. Mus par une stratégie de défense – que l’on peut comprendre au regard de nombreuses remises en cause dont fait l’objet notre langue – ils sont perçus comme obsédés par la seule rivalité franco-britannique, attachés à un prestige ancien et finalement peu ouvert au plurilinguisme du monde. Le projet de loi sur l’enseignement supérieur et la recherche présenté par le gouvernement en 2012, qui prévoyait en son article 2 d’élargir le champ des enseignements en langue étrangère (ce qui fut finalement, et fort heureusement, encadré par le législateur) fut révélateur de l’impensé national qu’est la langue française, tiraillée entre ces deux impasses.

Le rapport d’information Pour une ambition Francophone, pour lequel j’ai été Rapporteur, me permet d’affirmer cette conviction que la francophonie est une chance pour une France en panne de vision. Elle est ce lien qui permet le dialogue, l’échange et même le mélange des cultures, la projection dans un avenir pensé désormais en commun. Il est temps de reformuler une nouvelle ambition francophone, à la fois outil de notre influence et moyen de rapprochement des peuples qui l’ont en partage. La langue française a des atouts, nombreux : langue officielle, nationale ou populaire dans une trentaine de pays dans le monde, elle compte également des locuteurs répartis sur les cinq continents et dispose d’une organisation internationale unique en son objet dans l’histoire de la diplomatie : l’Organisation internationale de la francophonie (OIF).

parler français 2