Quand Nicolas Sarkozy annonce qu’il a mis en place la « gratuité » de l’enseignement scolaire pour les élèves français de l’étranger il joue avec la réalité et masque les échecs d’un dispositif en trompe l’œil:
La « prise en charge » (PEC) est une « fausse gratuité », qui ne concerne qu’une infime minorité d’élèves. Moins de 2% des enfants français enregistrés dans les consulats à l’étranger sont concernés par la mesure de prise en charge soit 7600 élèves quand ce sont plus de 110 000 élèves français qui sont scolarisés à l’étranger. Rappelons aussi que 2/3 des enfants français ne fréquenteront jamais une école française et ne sont pas scolarisés dans un des établissements gérés par l’Agence de l’enseignement français à l’étranger (AEFE). Pour ces élèves, l’aide de l’État est bien maigre puisque les crédits dévolus aux programmes Français Langue Maternelle (FLAM) ne représentent que 0,6millions d’euros quand la PEC coûte plus de 31 millions d’euros par an, soit 50 fois plus ! La PEC est donc un dispositif injuste et coûteux qui a produit des effets déstabilisateurs sur le système de l’enseignement scolaire à l’étranger. Quand dans son « Show de Madrid » le 16 janvier 2012, à l’occasion de ses vœux aux français de l’étranger, Nicolas Sarkozy annonce « nous continuerons », il y a de quoi y voir un réel entêtement dans l’erreur.
Un dispositif coûteux. La PEC est coûteuse. Trois ans après sa mise en place elle est d’ailleurs limitée aux classes de lycée et plafonnée aux tarifs 2007.
Une « gratuité » qui n’en est absolument pas une. On est loin de la gratuité promise par Sarkozy puisque la prise en charge ne couvre en moyenne mondiale que 78% des frais de scolarité des lycéens exprimés en euros et parfois beaucoup moins comme à Caracas (67%) ou à Pondichéry (37 %)
Une prise en charge profondément injuste. La PEC est attribuée sans condition de ressources à 7 600 lycéens alors que les critères d’attribution des bourses de 24 000 élèves qui ne bénéficient pas de la PEC sont rendus plus sévères (non revalorisation du revenu minima depuis deux ans, augmentation du coefficient K)
La PEC déstabilise les équilibres du système d’enseignement scolaire à l’étranger. Pour augmenter l’aide aux seuls parents français des classes de lycée, il a fallu limiter la participation de l’État au fonctionnement des établissements, aux investissements immobiliers et à la rémunération des enseignants.
Cette aide en trompe l’œil a fait exploser les frais de scolarité. Entre 2007 et 2012 l’aide à la scolarité a augmenté de 76M€ du fait de la PEC. Mais dans le même temps, les frais de scolarité ont explosé, ils ont plus que doublé en cinq ans en raison des charges supplémentaires qui pèsent sur les établissements. En décembre 2006 la moyenne de ses frais était de 2352€, en décembre 2011 elle se montait à 4500€ avec en outre des prélèvements nouveaux sur les familles comme les « droits » payés la première inscription.
La taxation uniforme de tous les établissements a été organisée en parallèle de la PEC. Une taxe nouvelle de 6% de l’ensemble des frais de scolarité a dû être mise en place pour financer des investissements et surtout les cotisations patronales de retraite des personnels qui, jusque là, étaient prises en charge par l’État : le financement couteux de la PEC a donc eu l’effet pervers de déstabiliser les équilibres de gestion de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) qui gère les établissements français à l’étranger. C’est 30 M€ par an qui sont ainsi prélevés sur tous les établissements du réseau par cette taxe douloureuse mise en place pour compenser les effets pervers de la PEC.
Des enseignements titulaires désormais très minoritaires. Faute de financement public, il ne reste que 1 100 enseignants titulaires intégralement payés par l’État soit 10% des 11 000 enseignants des établissements de l’AEFE car la PEC empêche, de part son coût déstabilisateur, l’emploi de ces titulaires. Quant aux 4 000 enseignants recrutés locaux ils sont intégralement payés par les familles.
La charge de l’entretien des établissements, de leur agrandissement, repose sur les familles. L’AEFE n’a pas les moyens de créer les établissements nécessaires à l’accueil des enfants français. Les « partenariats publics privés », proposés par l’UMP pour développer les lycées français à l’étranger n’ont jamais pu être mis en place à l’étranger et la Cour des comptes a démontré le coût exorbitant des réalisations effectuées en France. Ce sont donc les établissements et donc les familles qui remboursent les emprunts nécessaires aux opérations immobilières!