« La reconnaissance de l’Etat de Palestine est une nécessité pour la paix »

A quel moment cette commission s’est saisi de cette question?

Je ne vous réponds pas par flatterie, mais la Commission des Affaires Étrangères a choisi de proposer une résolution peu après que le parlement puis le gouvernement suédois, suivis de près par le parlement britannique, ont reconnu l’État de Palestine. Il nous a alors paru essentiel de suivre le mouvement qui avait été lancé. C’est un combat que je défends pour ma part depuis des années, c’est pourquoi je suis très heureux de voir que l’Assemblée nationale française prend à son tour ses responsabilités dans cette dynamique européenne.

Le changement de gouvernement – et de politique –  en Suède a-t-il eu une influence? Laquelle?

Bien sûr, la Suède a eu une influence : c’est votre Parlement, puis votre Gouvernement qui ont initié ce mouvement de reconnaissance, ce qui est admirable et courageux. Il est cependant regrettable que nos pays aient attendu tant d’années avant de lancer cette dynamique, quand on sait que l’Etat de Palestine est déjà reconnu par 137 Etats dans le monde, ainsi que par des institutions internationales telles que l’Unesco ou encore l’ONU. Mais soyons positifs :  ce que nous devons retenir est que le mouvement est maintenant lancé et qu’un nouveau pas va enfin pouvoir être franchi en faveur de la paix. Car il ne pourra pas y avoir de négociations dignes de ce nom sans que celles-ci se déroulent entre deux Etats égaux sur le plan juridique. Je crois fermement que cette reconnaissance est une question de Justice mais aussi un pas de plus en faveur de la Paix.

Quel a été le climat de débat au sein de la commission et plus largement lors des réunions préparatoires?

La préparation s’est déroulée sereinement et rapidement et le groupe socialiste a accepté, dans sa très grande majorité, de porter la résolution. Les quelques réticences, minoritaires, n’ont pas convaincu.

Quelles chances a cette résolution d’être adoptée le 2 décembre au parlement?

Nous sommes très confiants en ce qui concerne l’adoption de cette résolution. Le groupe SRC, étant porteur de la résolution, votera à la quasi-unanimité en faveur de ce texte, et d’autres groupes de l’Assemblée ont également garanti leur soutien à ce vote, ainsi que certains députés du groupe UMP. Le vote solennel permettra de donner à ce vote toute l’ampleur qu’il mérite.

Quelle sera la portée de ce vote?

L’Assemblée Nationale, par ce texte, « invite le Gouvernement français à reconnaître l’Etat de Palestine ». Comme en Suède, l’Assemblée Nationale n’a pas les pouvoirs de reconnaître un Etat, mais ce vote, significatif, permettra d’inciter fortement le gouvernement Français à suivre ce mouvement. L’Assemblée ouvre la voie au gouvernement qui, je le souhaite très sincèrement, aura l’audace et le courage de reconnaître officiellement à son tour l’Etat de Palestine, ainsi que l’a fait votre gouvernement. J’espère aussi que cela va aider les citoyens israéliens pour l’égalité et la paix, ils sont nombreux. Israël, pas plus que n’importe quel autre État, ne saurait se mettre au-dessus du Droit. Et j’ajoute ceci : à force d’occupations, d’humiliations, et de violences du fort au faible, la démocratie israélienne s’est abimée, s’est enlaidie chaque année un peu plus.

Est-ce que M. Hollande va changer de position et reconnaitre la Palestine pendant son mandat à votre avis?

Comme je l’ai mentionné dans ma réponse précédente, nous voulons que ce vote soit reconnu comme celui de la majorité des Français. C’est pourquoi le Président de la République, je le crois, respectera la volonté des citoyens et reconnaîtra l’Etat de Palestine ainsi que nous, Parlementaires, l’invitons à le faire. Je ferai en tout cas tout pour l’en convaincre !

On reproche à cette initiative de faire l’affaire du Hamas, porté sur le terrorisme. Votre avis?

Argument faible et de mauvaise foi. Il ne s’agit en aucun cas d’une résolution contre l’Etat d’Israël mais bien d’une résolution pour la paix. Le Hamas se nourrit du désespoir du peuple palestinien, c’est ce qui lui permet de survivre. Au contraire, si nous rendons sa dignité au peuple palestinien, l’emprise des groupes radicalisés sera de moins en moins forte, même si l’Histoire n’est pas linéaire. Ce que les peuples israélien et palestinien souhaitent, c’est simplement de pouvoir vivre sereinement, hors du champ de crainte et d’insécurité permanents. Il faut déjouer ces discours de haine qui effraient et entretiennent cette situation de violence. C’est pourquoi seule la reconnaissance de l’Etat Palestinien ainsi que des négociations en présence de tous les acteurs israéliens et palestiniens permettront d’aboutir à une paix véritable.

Israël semble devenir de plus en plus cerné: au sud dans le Sinaï se profile une zone de non-droits.. la bande de Gaza pourrait sombrer dans une sorte de terrorisme type al-qaida, le Qalamoun Syrien est en voie de se transformer en un mini-royaume du Hezbollah… Quelle conséquence pour un éventuel processus de paix, selon vous?

Ainsi que je viens de le préciser, la violence émerge de la bêtise des uns et du désespoir des autres. Il n’y a aucune raison pour que la bande de Gaza deviennent ce que vous appelez un « mini-royaume du Hezbollah »…sauf à continuer comme avant. Si l’on accorde leurs droits fondamentaux aux habitants de Gaza, ainsi qu’aux palestiniens de Cisjordanie et de Jérusalem-Est, que nous oublions trop souvent, notamment le Droit de circuler librement, d’avoir accès à leurs terres et à leur eau, mais aussi parfois, tout simplement, à leurs habitations, alors la haine s’effacera des cœurs et des esprits. En deux générations, la paix peut-être durable. Mais à condition de commencer maintenant par assumer avec courage non pas une artificielle position d’équilibre mais un principe de Justice internationale.

 

Propos recueillis par Magnus Falkehed pour le quotidien Suédois Dagens Nyheter