« La vie normale » des Français de Bamako

Pour eux, ça n’a presque rien changé. A entendre les Français qui vivent à Bamako, l’intervention militaire française n’a pas bousculé leurs habitudes de vie. Certes, ils se disent plus vigilants, « plus sages quant aux sorties nocturnes », mais leur quotidien d’aujourd’hui est similaire à celui qu’ils avaient avant le 11 janvier, jour où les troupes françaises ont débarqué dans le pays pour faire la guerre aux islamistes. « La reprise rapide du nord du Mali a eu vocation à rassurer pas mal de personnes », racontait dimanche dans l’avion qui l’amènait à Bamako la ministre déléguée chargée des Français de l’étranger, Hélène Conway.

Sur place, les habitants confirment: « La guerre est invisible ici, la menace n’est pas perceptible », raconte une franco-malienne. « Aujourd’hui, la vie ici est presque normale », résume aussi l’ambassadeur de France au Mali, Christian Rouyer. Qui prévient toutefois que « la menace terroriste est toujours présente ». Le député socialiste des Français à l’étranger (Afrique du Nord et de l’Ouest), Pouria Amirshahi – qui fait partie de la délégation de la ministre – abonde : « Ils ne sont ni inquiets ni paniqués même s’ils ont parfaitement conscience d’être des cibles potentielles. »

Certains détails de leur vie le leur rappellent. A commencer par la fermeture des trois établissements scolaires français de Bamako, trois jours après le début de l’intervention française. Deux écoles ont rouverte lundi matin mais le lycée français est toujours fermé. Aussi, dès que la situation évolue, les ressortissants recensés sur le registre de l’ambassade reçoivent par mails ou SMS un point sur la situation et les consignes à suivre en cas de menace potentielle.

Dans la ville, les barrages de police se sont démultipliés : « Mais ça nous rassure d’être contrôlés », assure une habitante française. « En une semaine, on a fait tout ce que Paris nous avait demandé. Je n’ai jamais vu le gouvernement malien réagir aussi rapidement! » s’amuse un cadre de l’ambassade française à Bamako. L’ambassade française a segmenté Bamako en neuf « ilôts », comme elle le fait toujours à l’étranger. Pour chaque quartier, un « ilotier » se charge de remonter les impressions des ressortissants français.
« Hollande passe pour un héros »

Finalement, l’intervention militaire française les a davantage rassuré qu’inquiété. « On savait que si l’armée n’intervenait pas, on faisait tous nos bagages », raconte Chantale Guilloton, présidente de l’association Bamako accueil. Plusieurs d’entre disent avoir ressenti le changement d’attitude des Maliens à leur égard. « D’habitude, les Maliens sont pudiques. Mais là, ils n’arrêtent pas de nous dire qu’ils sont contents. Hollande passe pour un héros », raconte une Française qui vit à Bamako. En témoigne les drapeaux bleu, blanc, rouge accrochés aux grillages dans certaines rues de Bamako sur lesquels on peut lire « Merci la France » ou encore « vive Hollande ».

C’est en fait au moment du coup d’état le 22 mars dernier que tous ont ressenti une vraie inquiétude. « Quand on a entendu les coups de kalachnikov à quelques mètres, là, on a eu peur! » raconte un haut fonctionnaire français. « Il y a eu un petit vent de panique à ce moment là », confirme Valérie Beilvert, présidente de l’Union des Français de l’étranger. « La peur n’a duré que quelques heures. Depuis, on vit avec et on relativise », résume Yves Gueylard, conseiller de coopération et d’action culturelle à l’ambassade de France.

Aucun n’envisage de quitter le Mali. « Les Français ont la particularité de rester pendant les conflits. Ils étaient là avant, ils seront là après », analyse la ministre, Hélène Conway. « On ne va pas se laisser impressionner! On ne va pas s’arrêter de vivre pour ça », tempête Marianne Sotbar, directrice de l’école française Les Lutins, qui vit là depuis 35 ans. Une habitante française résume, dans un sourire : « A Bamako, la vie est belle. »

Caroline Vigoureux, à Bamako (Mali) – leJDD.fr

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