L’examen de la loi égalité et citoyenneté a débuté hier, lundi 27 juin 2016. Je me suis exprimé sur le texte lors de la discussion générale. Dans les prochains jours, je défendrai de nombreux amendements en séance.
Voici la vidéo de mon intervention :
Intervention P.Amirshahi DG Loi egalite… par PouriaAmirshahi
Verbatim (seul le prononcé faisant foi) :
Mesdames et Messieurs les Députés, Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs les membres du gouvernement,
Permettez-moi de ne pas avoir forcément la même approche, le même angle que ce que j’ai entendu depuis tout à l’heure car si il y a effectivement dans ce projet de loi toute une série de mesures – pas forcément d’ailleurs toutes cohérentes entre elles- qui mériteraient d’être commentées les unes après les autres, permettez que dans une discussion générale je ne m’attarde pas sur ces mesures mais que j’essaye de prendre un peu de recul sur le sujet qui nous préoccupe. C’est-à-dire l’égalité et la citoyenneté et le lien qu’il y a entre les deux car sinon, on est dans toute une série de mesures, qui en ventilation, se suivent, se succèdent et dont on ne comprend pas forcément le sens général.
Égalité et citoyenneté, voilà deux mots piliers de notre Révolution de 1789 et que notre Constitution actuelle se charge encore et toujours de mettre en œuvre.
C’est notre boussole permanente que de créer les conditions de l’égalité entre les individus autant que de nous soumettre à l’autorité politique des citoyens. C’est à nous également qu’il revient d’approfondir, d’affirmer la citoyenneté véritable, celle qui ne saurait nous distinguer en fonction du sexe, de la couleur de peau, ou du statut social, pas plus qu’en vertu de nos convictions et de nos consciences, lesquelles doivent rester libres.
Et pourtant : soyons francs, l’égalité proclamée il y a plus de deux siècles n’existe toujours pas –elle n’est pas réelle- sauf peut-être en ce qui concerne le droit de vote depuis que celui-ci a été conquis par les femmes. Je dis bien « conquis » et non seulement « accordé » comme on l’affirme trop souvent encore aujourd’hui, reflétant par la même que les inégalités entre les supposés « décideurs » et les soi-disant « subordonnés » restent solidement ancrées dans les représentations mentales.
Cette égalité peut exister en droit –et encore, trop de lois et de dispositions légales font exception au principe – mais elle n’offrira jamais les mêmes chances tant que n’existera pas l’égalité des conditions.
Aux commandes du pays depuis 2012, votre feuille de route était d’ailleurs claire : réduire les inégalités économiques – avant de les abolir un jour- et mettre fin aux discriminations entre Français.
Nous sommes à moins d’un an de la prochaine élection présidentielle et, après n’avoir rien fait, ou rien fait qui ait vraiment réduit les inégalités dans la vie concrète et réelle, voilà que vous nous soumettez une loi « fourre-tout » dont à vrai dire personne ne comprend vraiment le sens général.
Oh bien sûr vous avez rappelé quelques mesures, mais si j’affirme ici que vous n’avez pas été à la hauteur – et que ce projet de loi est lui-même très minimaliste – c’est parce que l’insolence des revenus de quelques-uns insulte encore chaque jour les humbles, et les femmes plus que les autres ; c’est parce que la relégation de nos compatriotes dans nos quartiers et campagnes populaires au rang, de fait, de citoyens de seconde zone est encore vécue de la même façon aujourd’hui ; c’est enfin parce que les Français d’origine étrangère sont encore considérés – par une partie de notre pays, élite incluse –comme d’origine étrangère avant d’être considérés comme français à part entière.
D’ailleurs, le débat public est désormais pourri par l’obsession de l’identité nationale, brandie comme une pureté abstraite – autrefois talisman de l’extrême droite que les apprentis sorciers de droite ont cultivé ces quinze dernières années et que l’exécutif actuel avait relayé avec son projet heureusement empêché de déchéance de nationalité.
Quand on fait de l’identité la clé de voûte de son programme politique, l’histoire a montré que ça finit toujours très mal. J’entends d’ailleurs déjà ceux qui sont passés à la deuxième étape, à Béziers ou ailleurs, parlant désormais de guerre civile. Permettez-moi de dire que nous sommes nombreux à militer pour des idées plus nobles. Écoutez cette réflexion d’Amin Maalouf « Chacun d’entre nous devrait être encouragé à assumer sa propre diversité, à concevoir son identité comme la somme de ses diverses appartenances, au lieu de la confondre avec une seule, érigée en appartenance suprême, et en instrument d’exclusion, parfois en instrument de guerre ».
Aux irresponsables qui veulent figer la France, nous répondons que le défi de notre pays n’est pas son identité nationale mais son projet national, celui des causes communes.
Nous prônons l’égalité partout et c’est de ne pas le faire qui conduit les gouvernements et les politiques publiques à la faillite de nos ambitions républicaines.
L’égalité entre les individus, noirs ou blancs ou maghrébins, tous français à égalité.
L’égalité économique aussi, pour que les salariés soient à part égale propriétaires de leur entreprise.
L’égalité fiscale aussi, celle au nom de laquelle nous avons aboli la monarchie et qui reste marquée par l’injustice.
Sur ces trois points, que de temps perdu et de rancœurs accumulés. Et quand les bonnes volontés font des propositions, comme celles que j’ai faites sur la journée de défense, sur la francophonie ou encore sur le droit d’interpellation et la création d’un fond de dotation pour la démocratie d’initiative citoyenne, on s’entend rétorquer – au titre de l’article 40 de la Constitution – que ces belles initiatives ne verront pas le jour parce qu’elles ont un coût…
Et voilà comment la souveraineté politique se laisse corseter et finit par démissionner, nourrissant ainsi le grand désarroi des citoyens.
Pour éviter à mon tour d’énumérer des mesures fourre-tout, je vais me concentrer, pour conclure, sur une question majeure : les outils de lutte contre les discriminations, au premier rang desquels la délivrance systématique d’un récépissé lors des contrôles d’identité qui visent aujourd’hui majoritairement – et de façon quotidienne et répétée – les Français de peau noire ou basanée. Cette mesure existe ailleurs, cette mesure marche ailleurs, et elle y rencontre même, à Madrid ou à Londres, l’assentiment des policiers. En France, notre République risque la fragmentation et ceux qui invoquent le danger communautariste sont ceux-là même qui exacerbent les guerres d’identité. Poursuivons notre réflexion, toujours avec Amin Maalouf : « Ce sont ces blessures qui déterminent, à chaque étape de la vie, l’attitude des hommes à l’égard de leurs appartenances, et la hiérarchie entre celles-ci. Lorsqu’on a été brimé à cause de sa religion, lorsqu’on a été humilié ou raillé à cause de sa peau, ou de son accent, ou de ses habits rapiécés, on ne l’oubliera pas ».
Puisque vous voulez empêcher la bascule de Français dans les causes du radicalisme, n’oubliez pas qu’une de ses sources principales réside dans l’accumulation des humiliations.