Le dilemme du lycée français de Bamako

Les salles sont vides, les rues alentours sont condamnées. Aucun élève n’a mis le pied dans la cour en terre battue du lycée Liberté de Bamako depuis le 14 janvier dernier, date de la fermeture de l’établissement sur décision de François Hollande. « A la base, il voulait garder l’établissement ouvert. Mais on lui a dit : ‘s’il se passe quelque chose, ça te retombera dessus’ », raconte un proche du dossier. Finalement, le chef de l’Etat a décidé de rouvrir le lycée français de Niamey, au Niger, mais pas celui de Bamako. « Cette décision nous a assommé », confie un cadre de l’ambassade française au Mali.

Ce sont quelque 1.082 élèves, dont 51% de Français, qui ne vont plus en cours depuis maintenant plus de trois semaines. « La décision de fermer un lycée est grave. Mais je l’assume. On ne peut pas prendre le risque d’avoir un terroriste qui mettrait en danger la vie des élèves », argue la ministre déléguée chargée des Français à l’étranger, Hélène Conway, venue visiter l’établissement lundi.

Le GIGN favorable à une réouverture sous conditions

Mais l’argument sécuritaire ne suffit pas à convaincre les parents d’élèves. « On est tous contre, tous! », tonne l’une d’entre elle. « La décision est prise de trop haut. Ils ne se rendent pas compte », regrette le président de l’Association des parents d’élèves (APE), Aly Sayegh. « La fermeture du lycée pose la question du décrochage scolaire et du départ des Français de Bamako », prévient aussi le député socialiste des Français à l’étranger, Pouria Amirshahi. Même le GIGN a rendu ses recommandations écrites sur la question et préconise la réouverture de l’établissement « si des moyens sont prévus pour neutraliser certains axes ».

En attendant, la situation sur place pose de plus en plus de problèmes. Des cours improvisés s’organisent dans certains endroits de la capitale qui ne bénéficient, contrairement au lycée français, d’aucune protection spécifique. « C’est inconscient, c’est presque criminel. Il en va de la vie des enfants », s’inquiète la ministre, Hélène Conway. « On préfèrerait que nos enfants soient dans un lycée sécurisé plutôt que disséminés partout dans la ville », répond Valérie Beilvert, parent d’élèves.

« Hollande a été réceptif »

Pourtant, le lycée a tenté d’être le plus réactif possible pour éviter ce type de situation. Une plate-forme pédagogique a été mise en place par les professeurs en l’espace de deux jours. Enseignants et élèves peuvent directement communiquer via cette interface, qui permet d’assurer un suivi pédagogique. « La solidarité apparaît dans les moments difficiles », fait valoir la ministre. Mais là encore, la solution ne fait pas l’unanimité. D’abord parce qu’elle crée des inégalités entre ceux qui ont accès à Internet ou non. Ensuite parce qu’elle n’est pas adaptée aux enfants les plus jeunes. Certains parents dénoncent déjà un « système d’études à deux niveaux ».

Alors, pour convaincre le chef de l’Etat de rouvrir le lycée au plus vite, le député Pouria Amirshahi argumente à coups de SMS et mails au président. Lors de sa visite éclair au Mali samedi, le chef de l’Etat a rencontré une quinzaine de parents d’élèves. « On lui a exposé nos craintes et nos demandes », raconte Aly Sayegh. « Il a eu l’air assez réceptif », complète Valérie Belveirt, vice-présidente de l’APE. Initialement, la réouverture du lycée était prévue en avril. Finalement, le chef de l’Etat s’est engagé à réévaluer la situation fin février.

Caroline Vigoureux, à Bamako (Mali) – leJDD.fr

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