Pouria Amirshahi, engagé volontaire

Syndicaliste, travailleur social et journaliste de bande dessinée, ce militant PS d’origine iranienne a fait son entrée au Palais-Bourbon.

Casque de scooter au bras, cheveux ébouriffés, bouille d’éternel étudiant, il s’excuse de son léger retard au rendez-vous donné au siège du Parti socialiste (PS), rue de Solférino: «Un visa à retirer à l’ambassade d’Algérie», les salamalecs, le thé. C’est le mois de janvier, la campagne des législatives vient de commencer. Quelques jours avant l’entrée en piste de François Hollande au Bourget, début de son ascension vers l’Élysée, Pouria Amirshahi préparait le casse-tête de sa campagne à lui. Investi par le PS dans la 9e circonscription des Français de l’étranger, il est préféré à Faouzi Lamdaoui, un proche de François Hollande, et couvre un territoire vaste de près de 10 millions de kilomètres carrés, comprenant seize pays d’Afrique du Nord et d’Afrique de l’Ouest. Sur le terrain, il s’appuie sur un réseau croissant d’amis et de sympathisants PS. Depuis 2008, il est secrétaire national à la coopération, à la francophonie et aux droits de l’homme. « L’Afrique, il connaît », souligne un de ses soutiens à Casablanca. Un siège de campagne au Maroc, une suppléante installée en Tunisie, de nombreuses amitiés au Niger, au Sénégal, Amirshahi veut porter un projet de rupture après cinq années de sarkozysme. «La droite est sur la mauvaise pente de l’Histoire. Son repli nationaliste sur fond de xénophobie et de peur de l’islam a laissé une profonde marque sur notre société», juge-t-il. Convaincu que les Français attendent «un discours positif», le candidat socialiste a bien senti dans ses déplacements «l’impact désastreux du discours de Dakar».

Engagement. « Je n’ai pas vécu de conflit interne. Je suis français. Je sais d’où je viens et d’où viennent mes parents. » En 1976, Pouria Amirshahi débarquait d’Iran, avec ses parents. Son souvenir le plus ancien est français: «Un tourniquet à l’aéroport. J’avais 4 ans». Opposante de gauche, sa mère a connu la torture de la Savak, la police politique du Shah. La révolution khomeyniste de 1979 rend l’exil permanent. Dans le petit appartement de sa grand-mère, dans le XVe arrondissement de Paris, on se serre à neuf, et la politique n’est jamais loin. Militante communiste, Mouloud Khanlari accueille de prestigieux visiteurs, dont Jean-Paul Sartre, qui anime un comité de défense des prisonniers politiques. «J’ai des souvenirs de Bernard Kouchner et Lionel Jospin dans le petit salon!»

Le jeune homme fait ses premières armes dans cette famille de lettrés militants avant de choisir sa propre voie. Précoce, le camarade Amirshahi a passé plus de la moitié de sa vie à militer. En commençant par l’Unef-ID, dont il devient président à 22 ans, en 1994. Avant de décrocher sa maîtrise de sciences politiques et de devenir papa, un an plus tard. Mais après avoir grillé les étapes, il doit temporiser pour mener de front son engagement syndical, son rôle de père et son DEA de sciences politiques.

Ce Parisien ressent pourtant un besoin de grand air. Fin 2005, il débarque en Charente, aux confins du Limousin. Fort de son expérience à la Mutuelle nationale des étudiants de France (Mnef), il supervise dans le département le travail de trois centres médico-sociaux : son «établi» en prise directe avec les problèmes de l’enfance, la violence conjugale et la gestion du RMI. «J’ai été marqué par la dignité des gens, très loin des discours de culpabilisation sur les mauvaises mères, les profiteurs». En 2008, il est chargé de mission à la Cité de l’image et de la bande dessinée dans ce département qui accueille le Festival d’Angoulême. Il rappelle volontiers qu’il a été le rédacteur en chef passionné de la revue Neuvième Art.

Idéalisme. Cette fougue, il la partage en politique. De janvier à juin, il a parcouru la circonscription avec plaisir, dormant chez l’habitant, tissant sa toile jusqu’au Palais-Bourbon. Notamment au Maroc, où vit la plus importante communauté de Français en Afrique. Rien ne lui a été épargné au cours de la campagne. Les commentaires de certains camarades qui jugent risquée une candidature « chiite » dans des pays majoritairement sunnites. Une «polémique absurde», balayée du revers de la main par Amirshahi. Les coups bas des rivaux, dont les allusions au scandale de la Mnef, dans lequel il était partie civile, le font réagir sans perdre son calme. Il fait campagne sur des thématiques de proximité : scolarité, délocalisation et fermeture des services publics, etc. Promis, il plaidera à l’Assemblée nationale pour le « passeport culturel de la francophonie » afin de permettre aux étudiants, chercheurs et artistes de faire des allers-retours entre leurs pays respectifs et la France. Idéaliste ? «Optimiste! Nous n’avons jamais eu autant de connaissances susceptibles de faire le bien commun. Construire un monde meilleur est possible.» Et ça commence maintenant. «Attendez-vous à un geste fort, dès cet été, pour la réconciliation avec l’Algérie.» Inch’Allah!

Youssef Aït Akdim

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