Léonarda : « mettre fin à une vision policière de l’immigration »

J’ai répondu aux questions de Sud-Ouest sur l’expulsion de Léonarda et de sa famille. Je vous livre mes réponses :

« Sud Ouest ». Ségolène Royal a apporté son soutien à Manuel Valls, estimant que la loi a été respectée dans cette affaire. N’a-t-elle pas raison de ramener le débat à la loi ?
Pouria Amirshahi. Encore faut-il savoir quels sont les critères légaux qui s’appliquent. En l’occurrence, la circulaire de 2005 qui permet et contraint même les autorités à laisser un enfant terminer son année scolaire. Ensuite, au regard de la loi, il n’est prescrit nulle part qu’il faille humilier une mineure devant ses camarades. Et, au regard de la loi, il n’est pas interdit d’avoir du discernement, en constatant que, dans deux mois, et après un peu plus de quatre ans passés ici, elle avait enfin le sésame pour un séjour.

Vous rejoignez donc Claude Bartolone, le président de l’Assemblée, qui estime que cette affaire est contraire aux valeurs de la gauche…
Oui. Garder Leonarda, c’était utile pour elle et pour nous. Ici, elle faisait de brillantes études. Elle parlait parfaitement français. Elle nous rendait service, car quelqu’un qui fait de brillantes études, c’est une ressource de plus pour le pays. Quelle médiocrité d’être tombé aussi bas. À l’humiliation s’est rajoutée la stupidité. Les quatre années qu’elle a passées en France, durant lesquelles la République a payé ses études, ça n’a peut-être pas servi à rien. Alors, plutôt que de jeter l’argent par les fenêtres, il fallait peut-être l’accompagner jusqu’au bout.

Justement, Manuel Valls est-il sorti du champ de ces valeurs ?
Je ne fais de procès en pureté républicaine à qui que ce soit. Je dis juste que, dans cette affaire-là, il y a une erreur et une faute administrative. Je ne suis pas d’accord avec Manuel Valls sur un pan essentiel de sa politique, mais je reconnais qu’être ministre de l’Intérieur dans un pays en tension, ce n’est pas facile. Contrairement à d’autres, je n’ai pas demandé la tête de qui que ce soit, ni du préfet ni des policiers, mais j’attends qu’on explique ce qui s’est passé.

Leonarda et sa famille doivent- elles revenir en France ?
Oui. Sa place est en France. Elle connaît plus la France que le Kosovo. Mais on peut aussi continuer à être stupide et mettre dehors tous ceux qui sont bons… Mais, encore une fois, ce n’est pas une question d’individus. C’est un système global de pensée qui, depuis trop d’années, nous rend petit, alors que la France est un grand pays qui ne doit pas avoir peur d’intégrer.

Derrière cette affaire, émerge aussi la nécessité pour le PS de répondre à la montée du Front national…
Par les vents mauvais qui courent, il ne faut pas céder à cette idée, trop facile et la moins courageuse qui soit, que la question de l’immigration ne peut être traitée que sous l’angle policier. J’attends qu’on ouvre enfin un débat intelligent sur notre politique migratoire.

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