Les librairies indépendantes à Paris, un pilier de la diversité culturelle et de la pensée critique

Ces dernières semaines, un enjeu politique fondamental a émergé à Paris : celui de savoir si les librairies indépendantes doivent être soutenues ou abandonnées. Le 20 novembre, le Conseil de Paris a rejeté une subvention de 480 000 € qui devait bénéficier à 41 librairies indépendantes. 

Pourquoi c’est grave ?

Ce rejet, porté par une partie de la droite parisiennes fragilise volontairement des lieux essentiels à la vitalité démocratique. Les librairies indépendantes sont des espaces de médiation culturelle, d’accompagnement des lecteurs, de découverte d’auteurs pluriels, souvent absents des grandes plateformes marchandes. En les privant d’aides, on accentue les déséquilibres déjà très marqués du secteur du livre, où quelques grands groupes dominent largement la diffusion et la visibilité des publications. Des aides c’est aussi la possibilité d’engager des dépenses de fonctionnement nécessaires telles la rénovation ou m’extension des locaux, l’aménagement d’un espace jeunesse ou d’accueil du public pour des débats.

Les géants du secteur (Relay, groupe détenu par Bolloré par exemple) n’ont évidemment aucun intérêt à voir se renforcer un tissu indépendant dynamique capable de proposer une autre offre, d’autres voix, d’autres récits. En fragilisant ces acteurs locaux, c’est la liberté de création, la circulation des connaissances et la pluralité des opinions qui s’en trouvent menacées.

Derrière le rejet global de ces subventions, il y a avant tout une manière détournée de cibler la librairie Violette and Co, connue pour son engagement féministe, LGBTQIA+ et antifasciste. Ce vote n’arrive pas dans le vide : il intervient après plusieurs semaines d’attaques politiques de la droite contre cette librairie, attaques qui se sont ensuite étendues au dispositif de soutien dans son ensemble. Le message implicite est inquiétant : pour sanctionner un lieu jugé trop engagé, trop libre, trop dérangeant, on n’hésite pas à pénaliser 40 autres librairies. Ce vote le symptôme d’une volonté croissante de mettre sous pression les lieux qui font vivre la liberté intellectuelle et mettent en avant des questions d’époques importantes, comme celle de la Palestine, de l’Ukraine ou encore de l’avenir écologique de la planète.

Concrètement, à quoi serviront ces subventions ?

Le but de cette aide n’est même pas d’ordre éditorial. Il est simplement de permettre à ces librairies de réaliser des travaux de rénovation, de mise aux normes, d’accessibilité, de performance énergétique ou d’amélioration des conditions d’accueil.

Parmi les librairies touchées par ce rejet de subventions, quatre se trouvent dans ma circonscription, que mon équipe est allée rencontrer la semaine dernière. Chacune d’elles joue un rôle essentiel dans la vie culturelle locale, et les projets qu’elles avaient soumis montrent à quel point ces aides sont déterminantes pour leur équilibre.

La Librairie Nordest

Installée depuis près de trente ans, est une librairie généraliste ancrée dans la vie de son quartier. Elle accueille aussi bien les habitant.es que les voyageurs.euses de la gare toute proche, offrant une véritable alternative à l’achat de livres en grande surface ou en chaîne. Les subventions allouées serviront à améliorer la performance énergétique du local.

La librairie Un livre et une tasse de thé

Engagée, féministe et tournée vers les luttes sociales, elle existe depuis cinq ans et est déjà devenue un lieu de référence. Librairie de destination, un tiers de sa clientèle vient du quartier, les deux autres tiers se déplacent exprès pour s’y rendre. Elle a pourtant déjà subi des attaques de l’extrême droite, notamment un épisode de cyberharcèlement lors d’une campagne de financement participatif. La subvention sollicitée porte sur des travaux d’accessibilité PMR.

La Librairie Les Nouveautés

Elle existe depuis une dizaine d’années et est un lieu de passage pour celles et ceux qui circulent entre Belleville et République. On s’y arrête par curiosité ou par nécessité. C’est un point de respiration culturelle dans un axe très fréquenté. Le dossier de subvention concernait des rénovations indispensables : menuiserie des étagères, luminaires, faux plafonds, mais aussi le remplacement d’une vitre brisée par un impact de balle.

Enfin, la Plume Vagabonde

Librairie de quartier ouverte depuis une vingtaine d’années, elle est tenue par Nacera Ben Mouhoub, également membre du conseil d’administration de l’association Paris Librairies. Sa place au sein du réseau des librairies indépendantes est importante, et son rôle dans la vie culturelle locale l’est tout autant. Le projet porté pour ces subventions concerne le remplacement de son système d’éclairage.

Ces quatre exemples montrent une chose claire. Pour les librairies indépendantes, chaque soutien compte. Les subventions ne sont pas du confort ou de l’extra. Elles sont un outil indispensable pour préserver des lieux qui, au quotidien, font vivre la culture, la lecture et la diversité des idées dans nos quartiers.

Et maintenant ?

Un nouveau vote est prévu le 16 décembre pour déterminer si ces subventions seront bien adoptées. Il est impératif que les élus de Paris s’engagent à soutenir pleinement ces librairies et s’engagent à voter pour leurs subventions. Les refuser, c’est prendre le risque d’un appauvrissement durable de la vie intellectuelle et culturelle à Paris. Cela devrait alerter toutes celles et ceux qui ont la responsabilité de préserver le pluralisme et l’accès à la culture pour tous.

Si Paris perd ses librairies indépendantes, ce ne sera pas seulement une perte économique. Ce sera un recul pour la pensée critique. Face à cela, il nous faut agir en soutenant, en protégeant et en subventionnant.

Pour signer la pétition : https://petition.qomon.org/5f8a0d25-proteger-toutes-les-librairies-independantes-a-paris/