Les migrants roms sont des Européens

Par Pouria Amirshahi, Christian Favier, Jean-Yves Leconte, parlementaires socialistes, et Laurent El Ghozi, membre du CNDH Romeurope.

Il y a deux ans à Grenoble, Nicolas Sarkozy s’en prenait aux Roms, au prétexte d’actes délictueux dans lesquels cette communauté n’était nullement impliquée. Ce discours a servi à systématiser le démantèlement de lieux de vie précaires et à accélérer les expulsions collectives, notamment par l’utilisation de vols charter, au mépris de notre droit et des conventions internationales.

Force est de constater que cette agitation politique n’a pas résolu la question de la présence de ces migrants d’origine rom en France. Comment l’utilisation de telles méthodes aurait-elle pu le faire ? La bonne question est plutôt de savoir pourquoi des êtres humains choisissent de quitter leur pays d’origine pour vivre dans de telles conditions de précarité, dans toute l’Europe occidentale. La crise économique frappe durement les populations les plus fragiles des Balkans, et surtout les Roms. A ce titre, la première mesure à prendre est l’abrogation des mesures transitoires interdisant aux ressortissants roumains et bulgares d’accéder, comme tout citoyen européen, au marché du travail.

Sans levée de ces mesures, pas d’accès au droit commun, aux soins, au logement, à l’éducation, à la formation, et donc à une intégration réussie… C’est aussi le risque de voir se multiplier le nombre de ressortissants roumains et bulgares travaillant légalement en France à bas coût pour le compte d’entreprises européennes avec des contrats de détachement de main-d’œuvre. C’est déjà le cas sur de gros projets de construction ou dans le domaine du transport routier. Du coup, c’est l’impossibilité de percevoir des cotisations et des impôts grâce à un travail déclaré en France.

Une seconde raison consiste à fuir la stigmatisation permanente de la part des populations majoritaires détentrices du pouvoir. Il suffit de lire les nombreux rapports des agences européennes et internationales chargées des droits de l’homme et de la lutte contre les discriminations pour appréhender l’impact de ces discriminations quotidiennes sur les conditions de vie des Roms dans leur pays d’origine.

En France, même dans un camp, avec un peu de chance et l’appui de collectivités locales engagées, les enfants sont scolarisés, les nouveau-nés et leurs mères sont suivis, le milieu associatif accompagne ces populations marginalisées. Bien sûr, la vie en bidonville est intolérable.

Alors comment sortir de cet état de fait ? On estime à moins de 20 000 le nombre de personnes supposées d’origine rom vivant en habitat précaire. Elles s’ajoutent à des dizaines de milliers de personnes de toutes origines qui n’ont pas plus accès au logement et à l’emploi, et qui se trouvent, elles aussi, en situation de marginalisation.

L’urgence consiste alors à donner les moyens nécessaires aux acteurs publics et privés responsables de la lutte contre les exclusions. Pour montrer cette priorité, Jean-Marc Ayrault a nommé une ministre chargée de cette exigence, Marie-Arlette Carlotti. C’est à elle qu’il appartient, en partenariat avec les différents ministères concernés, d’animer une stratégie nationale d’inclusion qui cible non seulement les Roms, mais bien toutes les personnes fragilisées ou précarisées.

La majorité précédente n’avait que faire de cette priorité, préférant le gaspillage des fonds publics dans une politique d’expulsion dont on oublie d’analyser le coût. Quel gâchis, en effet, de voir un ressortissant roumain expulsé par avion, accompagné par deux policiers français – ceci coûtant au contribuable 8 000 euros, soit cinq smic -, et de le voir revenir en France quelques jours plus tard parce qu’il n’a subi aucune condamnation de justice et que sa liberté de circulation est un des acquis de la construction européenne. De même pour le coût annuel moyen de 27 000 euros par famille accueillie en « village d’insertion », sans aucune insertion réelle possible, faute d’accès au marché du travail…

Face à l’incurie de l’État sarkoziste, beaucoup de collectivités locales ont pris leurs responsabilités, en mettant en œuvre des « villages d’insertion », mais aussi par une action sociale de proximité, s’adressant à tous. Tirons les leçons de ces expérimentations au travers d’un grand dialogue national associant toutes les parties prenantes pour que la fermeture des lieux d’habitat indignes fasse l’objet d’un réel accompagnement vers l’emploi, le logement et l’insertion.

Examinons aussi comment les fonds européens pourraient abonder des programmes de coopération décentralisée visant à couvrir les frais engagés par les collectivités dans leurs efforts pour conduire des projets d’accueil de migrants. Mais commençons, avec la levée des mesures transitoires, par permettre à ces personnes de gagner légalement leur vie et de s’intégrer avec leur famille.

C’est d’ailleurs ce qu’a exprimé François Hollande dans son courrier à Romeurope en mars. C’est cette première étape que nous entendons franchir pour que les migrants roms disposent des mêmes droits que tous les Européens.

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