Loi Macron : Les amendements de Vive la Gauche

Après avoir publié nos propositions alternatives à la Loi Macron, retrouvez, les principaux points contestables de la loi ci-dessous. Sur les bases de ces éléments, Vive la Gauche a déposé un certain nombre d’amendements disponible en bas de cette page.

Libéralisation du travail le dimanche et en soirée

Le projet de loi ouvre, bien plus largement qu’actuellement, le travail dominical dans le secteur du commerce. La mesure emblématique est le passage à douze « dimanches du maire » – soit les dimanches où le maire peut accorder des autorisations d’ouverture, au lieu de cinq actuellement. L’ampleur du changement fera basculer les ouvertures dominicales d’un régime « exceptionnel » (autorisations généralement accordées lors des fêtes et des soldes) à un régime bien plus banalisé (travail dominical un dimanche par mois).

De plus, dans les zones touristiques internationales nouvellement créées (par arrêté ministériel ad hoc, contournant de fait la volonté des élus locaux), les salariés pourront travailler le dimanche et « en soirée » puisque le début de la période de nuit est repoussée à minuit. Cette nouvelle disposition est ainsi introduite et ouvre une brèche, en poussant à la banalisation du travail après 21 heures. Auparavant, le travail de nuit ne pouvait se justifier que pour certaines activités particulières ; désormais, avant minuit, un tel travail pourra être possible pour l’ensemble du commerce de détail, dans toute une zone.

Diminution des obligations des employeurs en cas de licenciement économique

Le projet de loi diminue les obligations des employeurs en cas de Plan de Sauvegarde de l’Emploi. Un tel plan est obligatoire dans des entreprises de plus de cinquante salariés, lorsque le licenciement concerne plus de dix salariés, et consiste en la mise en œuvre de mesures destinées à éviter les licenciements ou à en limiter le nombre.

L’article 98 concerne ainsi le périmètre d’application des critères d’ordre des licenciements (c’est-à-dire de l’ordre dans lequel les salariés seront licenciés, qui doivent notamment prendre en compte l’ancienneté, les charges familiales, les qualités professionnelles, etc.). Dans le droit existant, ces critères peuvent être fixés par accord collectif – à tout niveau – ou bien, à défaut, par décision unilatérale de l’employeur au niveau de l’entreprise.

Désormais, l’employeur pourra fixer de tels critères à un niveau inférieur à celui de l’entreprise, jusqu’à celui de la « zone d’emploi », soit un découpage de l’INSEE. Cette décision n’est pas sans conséquence, puisque, dans le cas d’entreprises, les plans sociaux pourront indirectement (en fixant des critères ad hoc) conduire les employeurs à viser certains salariés en particulier. De plus, cette mesure créera une rupture d’égalité entre les salariés d’une même entreprise, puisque les critères dépendront des zones d’emploi.

Par le projet de loi, des filiales d’un groupe pourront être incitées au dépôt de bilan, puisque le PSE ne sera plus proportionné au moyen du groupe mais de l’entreprise.

Ordonnances pour réformer l’inspection du travail, l’échelle des peines et le délit d’entrave

A l’article 85, le Gouvernement entend réformer le système de l’inspection du travail, afin de « renforcer le rôle de surveillance et les prérogatives d[e ce] système, étendre et coordonner les différents modes de sanction et, en matière de santé et de sécurité au travail, réviser l’échelle des peines ». Néanmoins, plutôt que de proposer le texte de la réforme envisagée, il est demandé d’ouvrir au Parlement la possibilité de légiférer par ordonnances, sur un sujet pourtant majeur. De la même manière, cette ordonnance contiendra des dispositions concernant « la nature et le montant des peines et des sanctions applicables en cas d’entrave au fonctionnement des institutions représentatives du personnel ». Si la volonté de supprimer les peines de prison n’est pas inscrite telle quelle dans la loi, l’étude d’impact du projet de loi initial mentionne « le caractère dissuasif de ces peines pour les investisseurs étrangers » et indique que « le Gouvernement souhaite […] notamment [revenir] sur les peines d’emprisonnement ». S’il est vrai que cette peine est rarement prononcée, son effet est essentiellement dissuasif. La supprimer tendrait donc à faciliter le délit d’entrave, alors que le dialogue social est justement mis en avant de le texte du projet de loi.

Dès lors, ces deux réformes ne peuvent être décidées par ordonnances : il est nécessaire d’avoir un véritable débat devant la représentation nationale pour décider des tenants et aboutissements de ces dispositions.

Suppression de l’obligation de publication des comptes pour toute entreprise

Il a été introduit une disposition potentiellement néfaste : la suppression de l’obligation pour les entreprises de publier leurs comptes. Cette disposition existe dores et déjà pour les TPE, et sera étendue aux sociétés « quelles que soient leur forme, leur activité et leur importance », soit aux sociétés dans leur ensemble.

Ainsi, un certain nombre de grandes et très grandes entreprises, essentiellement les entreprises non cotées, pourront choisir de ne pas les publier. La transparence de l’information est un principe d’efficience économique, et, au contraire, cet amendement représente un manque d’information considérable pour les consommateurs (et les associations), les fournisseurs, les repreneurs, etc. Afin de respecter la volonté d’une concurrence libre et loyale, de telles dispositions sont nécessaires, et toujours appliquées dans de nombreux pays européens (Italie, Allemagne…)

Élargissement coûteux et injustifié du « régime des impatriés »

L’article 86 du projet de loi étend les dispositions déjà très favorables du « régime des impatriés ». Ce régime vise à exonérer d’impôt les dirigeants et cadres dirigeants étrangers en France, pour une durée de cinq ans, pour une certaine part de leur revenu, souvent évaluée à 30 % de leur rémunération. Cette exonération est actuellement perdue en cas de changement d’employeur, y compris au sein d’un même groupe. L’article 86 vise à étendre ce dispositif aux situations de changement d’entreprises au sein d’un même groupe.

Le coût de ce régime est déjà très élevé (135 millions d’euros en 2013), et touche par nature des hauts revenus (le montant moyen d’exonération, directement proportionnel au revenu, est d’environ 12 000 euros). L’étendre, surtout dans les temps actuels, est donc contestable du point de vue du coût pour les finances publiques, et du point de vue de la justice fiscale. Ainsi, cette disposition devrait faire l’objet d’un véritable débat en loi de finances – y compris sur le fond du régime (l’Allemagne n’accorde aucun régime particulier) – et non être ajoutée à ce projet de loi.

Ordonnances pour réformer le droit de l’environnement

L’article 28 est une habilitation à légiférer par ordonnances concernant le droit de l’environnement, afin, entre autres, de « modifier les règles applicables à l’évaluation environnementale des projets, opérations, plans et programmes de construction et d’aménagement », notamment « en les simplifiant pour remédier aux difficultés et inconvénients résultant des dispositions et pratiques existantes ».

Au vu de l’importance de telles mesures, légiférer par ordonnance semble hasardeux. En réalité, le Gouvernement attend la remise d’un rapport par le Préfet Duport sur ces questions. Dans l’état actuel du texte, rien ne garantit le contenu des mesures envisagées à ce sujet, si ce n’est « l’association » (l’émission d’avis simples) du Conseil national de la transition écologique. Il serait bienvenu d’attendre la remise du rapport afin de légiférer sur cette question, et d’en débattre sereinement.

Retrouvez les amendements déposés par les députés de Vive la Gauche, à l’occasion du débat parlementaire sur la loi croissance et activité.