Le projet de loi dit Sapin II était très attendu. Et à juste titre : la transparence, la lutte contre la corruption et la modernisation de la vie économique sont des enjeux cruciaux pour notre démocratie. Comme chacune et chacun des citoyens que nous représentons dans cette enceinte, j’espérais donc un projet de loi à la hauteur de ces enjeux vitaux, avec des propositions cohérentes, concrètes et efficaces.
A l’issue de son examen en 1ère lecture, le projet de loi reste pourtant, malgré quelques timides nouveautés, une coquille vide à bien des égards.
Les avancées en matière de transparence et de lutte contre la corruption ne cachent pas les renoncements et atermoiements : ce n’est pas ainsi que les multinationales cesseront de faire leur loi. On n’éteint pas un incendie avec des pistolets à eau.
Trois sujets en particulier devront absolument être revus dans la suite de l’examen parlementaire.
Pour lutter contre l’évasion fiscale, une transparence des activités des entreprises multinationale pays par pays est proposée depuis des années par les parlementaires et par les citoyens. Rappelons que c’est uniquement à la faveur d’un procédé gouvernemental qu’en novembre dernier, le gouvernement avait annulé cette mesure que les députés avaient votée à deux reprises par voie d’amendement. Dans le projet de loi Sapin II, cette transparence est réduite à portion congrue. Le texte n’inclut pas l’ensemble des pays et limite son application aux entreprises ayant un nombre minimum de filiales par pays.
S’agissant des lanceurs d’alerte, le procès d’Antoine Deltour dans l’affaire LuxLeaks a récemment rappelé une fois de plus à quel point il est crucial de d’assurer une véritable protection à celles et ceux qui divulguent des informations constituant un préjudice grave pour l’intérêt général. Le projet de loi crée un régime de protection global et unifié des lanceurs d’alerte, mais avec une lacune qui n’est pas un point de détail : sa définition. Des lanceurs d’alerte tels qu’Antoine Deltour ne seraient pas protégés par la définition restrictive qui a été adoptée.
Enfin, c’est au sujet que la rémunération des dirigeants d’entreprise que le caractère velléitaire est le plus massif. Le projet de loi Sapin II se contente d’accroître le contrôle par les actionnaires sur la rémunération des dirigeants d’entreprise. Or d’une part ce sont l’ensemble des salariés qui devraient avoir la main sur ce type de décisions : la rémunération de tous est l’affaire de tous. D’autre part il ne s’agit pas que de contrôle, mais d’encadrement. Les inégalités au sein même des entreprises sont criantes, il est donc urgent d’encadrer les écarts de rémunérations.
Cessons de feindre de croire en l’autorégulation. Ce n’est pas l’ « autorégulation exigeante » qui va assainir notre vie économique.
La suite de l’examen parlementaire doit permettre de fortement renforcer le projet de loi. C’est pourquoi je réserve pour l’instant mon vote et ai décidé de m’abstenir à l’issue de cette première lecture, en espérant pouvoir voter pour, en seconde lecture, une loi de progrès et de transparence véritable.
Assainir et démocratiser la vie économique : mes amendements au projet de Loi Sapin
