J’ai répondu cette après-midi aux questions du Journal du Dimanche. Je suis revenu sur les motivations qui m’ont poussées à ne pas voter pour cette réforme des retraites :
Pourquoi vous êtes-vous abstenu?
Je ne peux pas accepter que l’allongement de la durée de cotisation soit un principe du texte. J’ai manifesté contre cette mesure dès que Balladur l’avait proposé en 1993. J’essaye d’avoir une cohérence entre ce que je dis quand je suis dans l’opposition et mon discours dans la majorité. Par ailleurs, faire entrer plus tardivement les jeunes sur le marché du travail, ce qui est la conséquence directe de l’allongement de la durée de cotisation, est quand même assez contradictoire avec la priorité donnée à l’emploi des jeunes. Et le report de six mois de la revalorisation des pensions de retraite me pose aussi problème. Ces questions étaient pour moi des reculs qui ne compensaient pas assez les avancées par ailleurs réelles du texte. Mettre les gens au travail n’est pas la seule réponse au progrès humain de vivre plus longtemps. J’ai aussi une grande réserve sur le financement. Il n’y a que les salariés qui risquent de payer.
Dans ce cas, pourquoi ne pas avoir voté contre le texte?
Il y a quand même des avancées et je ne veux pas faire fi du débat parlementaire. Les stagiaires vont être pris en compte dans le calcul de la retraite. Il s’agit d’une première victoire symbolique pour une jeunesse précarisée. Il y a aussi des avancées sur la question de la pénibilité et celle de l’égalité homme-femme.
Dans l’opposition, la gauche s’est toujours refusée à un allongement de la durée de cotisation. Considérez-vous que le gouvernement s’est renié sur ce point?
Si je réponds à ça, je suis trop polémique! Ça rajouterait un élément de plus à une mauvaise ambiance. On n’en a pas besoin. Je ne veux pas employer des mots qui vexent. Je ne reproche à personne d’avoir changé d’avis mais moi, sur cette question, je n’en ai pas changé.
Quel sera votre attitude lors du vote en deuxième lecture?
J’attends de voir ce que donnent les résultats du débat au Sénat et la version qu’on va nous présenter à l’Assemblée.
Considérez-vous, comme l’opposition, que le gouvernement manque de courage?
Non, ça n’est pas le mot. On a pris pour argent comptant le dogme de l’allongement de la durée de cotisation. C’est dommage parce qu’on aurait pu avoir là une très belle réforme. L’allongement de la durée de vie est une statistique et je ne vois pas comment on construit un droit en fonction d’une statistique.
N’est-ce pas paradoxal d’appartenir à une majorité et de lui faire défaut sur un texte comme celui de la réforme des retraites?
Je réfléchis beaucoup en ce moment sur le sens global de la politique qui est menée. La seule cohérence, c’est de respecter les engagements qu’on a pris. Je reste sur l’esprit du Bourget. Je reproche au gouvernement de s’en éloigner sur certains textes. Il y a des mesures vis-à-vis desquelles je ne veux pas me sentir lié. Ça n’est pas un crime de lèse-majesté de vouloir retourner à l’esprit fondateur de ce qui nous a amené à la victoire.
Lire l’interview de Pouria Amirshahi par Caroline Vigoureux sur le site du JDD