Pouria Amirshahi, le militant précoce

Le député de la 9ème circonscription des Français établis hors de France revient sur son parcours de syndicaliste de l’Unef et nous présente sa circonscription nord-africaine. A la gauche du PS, il n’épargne pas l’action de François Hollande.

Le visage tendu, les sourcils froncés, Pouria Amirshahi rumine sa déception. Le nouveau budget présenté par le Gouvernement n’est pas à la hauteur de ce qu’il espérait. « On est loin du discours du Bourget. Il nous faut une réforme fiscale juste et progressive. » Pourrait-il ne pas le voter ? Il préfère attendre les débats parlementaires mais regrette déjà que le PLF 2014 ne prennent pas davantage en compte « les inégalités structurelles qui plombent la société française ».

Situé à l’aile gauche du PS, ce militant de la première heure se relaye avec les Jérôme Guedj, Marie-Noëlle Lienemann et Pascal Cherki pour ruer dans les brancards et critiquer ouvertement la politique du Gouvernement. Pouria Amrishahi est un habitué des prises de paroles vigoureuses, surtout dans les amphithéâtres, lui qui a vu sa conscience politique s’éveiller avec les grands mouvements de jeunesse hostiles au projet de loi Devaquet en 1986.

Fils d’immigrés iraniens francophiles, qui ont fui les tortures de la Savak, sa famille gagne la France lorsqu’il a quatre ans. Sa grand-mère était alors la secrétaire politique de Jean-Paul Sartre. Une photo égarée montre un petit garçon assis sur les genoux du vénérable philosophe. Mais Pouria Amirshahi n’a pas baigné toute sa jeunesse dans l’intellectualisme de Saint-Germain-des-Prés. « Mes camarades de classe étaient des fils d’immigrés mais dont le père faisait du marteau-piqueurs dans les rues », nous assure-t-il.C’est à l’adolescence qu’il commence à ressentir le poids des discriminations, la dialectique entre la volonté de se sentir Français et la méfiance qu’il suscite.

Pouria Amirshahi entre ainsi à l’université avec ce bagage culturel peu commun sous le bras. Il en sortira dix ans plus tard, une Maîtrise en poche, marié, un enfant et cinq années de présidence de l’Unef-ID.

« J’étais davantage un objet de curiosité pour mes directeurs de recherche que leurs travaux pour moi », plaisante-t-il. Le député évoque cette période, le syndicat et ses arcanes, où grouille toute une masse de noms, d’associations et de chapelles inconnues pour le néophyte.

Mais après être passé par la fédération des mutuelles de France et prit la tête d’une association écologiste militante, 4D, Pouria Amirshahi ressent peu à peu une lassitude engourdir sa ferveur. Il n’a plus la grinta de ses années étudiantes, sa famille le réclame et la gauche, depuis le désastre de 2002, peine à se recomposer. Il passe alors un concours de la fonction publique territoriale et s’installe en Charente. Travailleur social, il vivra son expérience professionnelle la plus forte. « C’est dans ces situations que l’on voit ce que les gens ont de plus intime, de douloureux mais aussi d’humain. » Quelques années plus tard, ce passionné de bandes dessinées se fend d’une candidature à la direction de la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image d’Angoulême et devient finalement rédacteur en chef de la revue 9ème art. Il donnera même des conférences sur Astérix.

Mais la politique finit par le rattraper à partir de 2006. Henri Emmanuelli, Benoît Hamon attisent tour à tour les braises assoupies et réveillent sa fougue. La victoire de Nicolas Sarkozy le remet définitivement en piste. Il parcourt la Charente, séduit son monde, se fait élire à la tête de la fédération PS puis rejoint l’équipe de Martine Aubry au congrès de Reims.Malgré l’échec de cette dernière à la primaire du PS, il obtient aisément l’investiture pour la 9ème circonscription des Français de l’étranger grâce à son poste de secrétaire national chargé de la coopération, des droits de l’homme et de la francophonie qu’il occupe depuis 2008. De janvier à juin 2012, il parcourt cet immense territoire, du Maghreb à l’Afrique subsaharienne, dormant chez l’habitant, écoutant leurs réclamations sur la sécurité sociale, le prix des scolarisations, la rémunération des contractuels, etc. Autant de sujets auxquels il s’attaque
depuis son élection.

Pouria Amirshahi vit ainsi la politique comme un combat pour le droit au bonheur, « à la vie douce » aime-t-il dire. « C’est une aspiration haut combien légitime et respectable », conclut-il de son regard sombre et brûlant.

Portrait publié dans La lettre du pouvoir