Le 11 janvier dernier, j’avais expliqué ma réticence sur l’Accord National Interprofessionnel (ANI). En effet, je considère que sur plusieurs points, l’ANI risquait de consacrer des reculs pour les droits, les acquis sociaux et les garanties des salariés en matière de négociations collectives et de contrat de travail. En particulier, le principe posé par le Medef selon lequel la flexibilité doit primer sur la protection des salariés ne correspond pas à ma conception du marché du travail. Le travail est une relation sociale autant qu’économique. Je ne vois d’ailleurs toujours pas comment on favorise l’emploi en licenciant plus facilement. J’avais pointé également le risque de substitution des négociations entre patronat et syndicats à la Loi.
Il est vrai que, pour la première fois sous la Vème République et conformément aux engagements du Président de la République, le gouvernement avait fait le choix de la confiance et du respect envers la représentativité des organisations sociales. Le syndicaliste que je fus ne pouvais rester insensible à cette nouvelle approche. Il faut reconnaître aussi que, à la faveur du débat parlementaire, certaines dispositions vont dans le bon sens. Grâce à de nombreux amendements, la généralisation de la complémentaire santé à tous les salariés ainsi que la présence des salariés dans les conseils d’administration, plus favorables dans la loi que dans l’Accord national, sont des avancées concrètes pour une véritable sécurité sociale professionnelle.
J’ai d’ailleurs moi-même utilisé mon droit d’amendement, aux côtés des membres du groupe SRC.
Plus particulièrement, j’ai souhaité souligner le rôle des CHSCT – Comité d’Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail -, qui mènent une mission de prévention au plus près de la réalité professionnelle, afin que leurs prérogatives soient préservées. Ainsi, en séance publique, j’ai déposé plusieurs amendements en ce sens, notamment sur l’alinéa 71 de l’article 4 qui ont souligné l’importance de l’expertise des CHSCT, rendue nécessaire par les spécificités locales et propres à chaque établissement. Quand on sait le développement effarant des maladies professionnelles dues au stress et à l’organisation du travail, il m’était impossible d’accepter une dévalorisation des CHSCT dont il faut repenser le poids dans les entreprises. Je suis heureux des avancées obtenues en ce sens.
Cependant, plusieurs dispositions impliquent une précarisation des salariés. Concernant les délais de prescriptions par exemple, le projet de loi prévoit une réduction des délais pour les recours contre l’employeur, passant de 5 à 3 ans pour les réclamations de salaires impayés notamment. En outre, trop de questions sont renvoyées aux accords d’entreprises et de branche. Je pense notamment à la taxation des contrats courts, au principe d’un meilleur encadrement du travail partiel, etc. C’est certes donner à la confrontation sociale un espace légitime, mais dans un contexte largement défavorable aux salariés pour que les négociations puissent d’abord leur profiter.
En résumé : des améliorations dues aux amendements de la gauche, un recul des droits dans le champ de l’indemnisation, des garanties incertaines pour les nouveaux droits énoncés. En l’état, avec 35 autres de mes collègues socialistes, j’ai donc choisi l’abstention.