À la veille du vote sur le Traité budgétaire européen (TSCG, familièrement appelé Traité Merkozy), je souhaitais vous faire part de ma décision de ne pas l’accepter.
Bien entendu, tous les députés votent en conscience et, conformément à la Constitution, ne sont pas soumis à un mandat impératif. Néanmoins, sachant que la majorité des membres de notre groupe a finalement choisi de l’approuver les médias ne manqueront pas de soulever (ils ont commencé à le faire) une division, alors même que nous sommes tous déterminés à réussir le quinquennat de la Gauche. Voici donc mes raisons.
Je passe sur le fait que les socialistes, unanimement, avaient qualifié ce Traité d’inacceptable car il imposait une logique d’austérité et que notre candidat à la présidence de la République s’était engagé à ne l’adopter qu’à la condition qu’il soit renégocié. Je sais que les compromis européens ne sont pas choses faciles, et je ne fais pas grief à François Hollande de ne pas avoir, encore, un rapport de force en sa faveur. D’autant qu’il a commencé à faire bouger les lignes et qu’il faut bien entendu l’encourager de toutes nos forces. Je me suis déjà exprimé à ce sujet. Néanmoins, force est de constater qu’il ne l’a pas renégocié. Le texte qui nous sera soumis est le même.
Mais je persiste à penser que ce Traité est au mieux inutile, au pire dangereux.
Dangereux d’abord car il impose de contenir nos déficits dans une fourchette comprise entre 0,5% et 3%, ce qui, en ces périodes de réduction du périmètre de l’Etat, me paraît aller contre les nécessités de relance de l’investissement et des grands projets.
Dangereux également car, si la France n’était pas dans les clous, des mécanismes de « mise sous tutelle européenne » de notre budget seraient enclenchées; or, les institutions qui auraient la charge de cette supervision sont le Conseil et la Commission, ce qui me pose un problème démocratique essentiel. Je suis en effet fédéraliste européen et n’ai rien contre les transferts de souveraineté…à condition que cela soit vers des organismes démocratiques (a fortiori concernant le Budget de la Nation).
Dangereux enfin car ce Traité précise que « lorsque la dette publique d’un Etat est supérieure à 60% du PIB, l’Etat en question doit la réduire « au rythme moyen » d’un vingtième par an ». Si la France devait réduire sa dette d’un vingtième par an aujourd’hui, cela lui demanderait un effort de 85 milliards d’euros chaque année! Je laisse chacun imaginer les conséquences d’une telle disposition.
Inutile, ce Traité l’est également car il s’exonère dans ses clauses de sa propre application en cas «de circonstances exceptionnelles». Ce qui, en langage entendu, signifie «en temps de guerre» (nous n’en sommes heureusement pas là) ou «en cas de crise économique» … Or, nous sommes précisément en plein dedans…
Afin de ne pas en rajouter dans une divergence qui est largement exploitée par nos adversaires et qui nous nuit, j’ai choisi depuis plusieurs semaines une communication argumentée et non polémique sur ce sujet. Je préfère, dans mes prises de position publiques, mettre aussi en avant la cohérence de la stratégie européenne engagée par la Gauche plutôt que sur des divisions. C’est tout le sens de mon intervention à l’Assemblée Nationale lors du débat en séance plénière sur «les perspectives européennes» voulues par le Premier Ministre Jean-Marc Ayrault. Mais la loyauté n’empêche nullement de rester fidèle à ses convictions.
Ma seule volonté est que, dès le 10 octobre, nous passions rapidement à autre chose. Car, nous avons une bataille essentielle à gagner: celle de la pédagogie de l’opinion, une opinion qui commence à douter et à qui il faut expliquer le sens de notre démarche.
Au niveau européen, ce qui a été enclenché par François Hollande est important. Dans une Europe conservatrice et libérale qui, une fois de plus dans notre Histoire, veut encercler la gauche française, nous avons su mettre à l’agenda européen d’autres questions structurantes: taxation sur les transactions financières, supervision bancaire, relance des fonds structurels etc. J’y ajouterai, vous le comprendrez, une autre approche des liens entre l’Europe et l’Afrique, méditerranéenne et subsaharienne. C’est ce combat d’une réorientation européenne qui doit être rendu lisible, que nous devons tous porter, et dont je reste le premier militant.