Ce mardi 23 avril, le Premier ministre soumet au vote de l’Assemblée nationale ses prévisions budgétaires, conformément au double engagement européen : le premier des engagements est d’ordre juridique puisque les Parlements nationaux sont tenus désormais de soumettre leur budget prévisionnel à la Commission européenne ; le second est d’ordre économique – mais aussi juridique car désormais inscrit dans les Traités – et vise à ramener les déficits publics sous la barre des 3 % du PIB. C’est la fameuse « règle d’or » à laquelle je m’étais opposé. Non pas que je sois contre des finances publiques dégagées de toute logique de dette (au contraire, il faut même sortir les Etats de la main des banquiers), mais je crois tout simplement que cela n’est pas le moment, comme l’affirment de nombreux économistes (même orthodoxes !) et certains chefs d’Etat et de gouvernement (même de centre droit).
Autrement dit, réduire plus encore périmètre de l’intervention de l’Etat – alors que la situation économique commande au contraire de plus grands filets de sécurité et une autorité accrue des pouvoirs publics – est selon moi une erreur que je ne saurais excuser par avance. Comme on dit en escalade, il faut donner un peu de mou si on veut pouvoir avancer un peu. Or, on tire sur la corde en serrant les dents, même pas sûrs qu’on aura la force de tenir jusqu’à… Jusqu’à quand d’ailleurs ?
La prévision budgétaire qui nous est soumise court sur 3 ans. Autant dire une éternité. 3 ans de rigueur, c’est déjà beaucoup. Mais surtout, la prévision est basée sur de fausses données. En effet, dans son « programme de stabilité » dévoilé en Conseil des ministres le 16 avril dernier et qui doit être adressé fin avril à la Commission européenne, le gouvernement présente sa stratégie pour ramener le déficit public de la France de 3,7% du PIB cette année à 2,9% en 2014 puis 0,7% en 2017. Pourquoi 2,9 % ? …
…Bref, pourquoi 2,9 % ? Parce qu’on veut montrer que « promis, juré ! on ne l’a pas fait en 2013 mais on le fera en 2014 et mieux que prévu ». Voilà le niveau de notre argumentation économique en France, en 2013.
On savait que depuis quelques décennies, nos perspectives « économiques » se fondaient sur des « hypothèses de croissance ». Voilà maintenant près de dix ans que ces hypothèses sont volontairement tronquées, surévaluées, pour ne pas effrayer des marchés pourtant parfaitement avertis (et consentants) de la supercherie. Nous n’avons pas, cette année, dérogé à cette hypocrisie – nous « tablons » mensongèrement sur 2% dès 2015 – sauf que voilà, cette fois, même le FMI et la Banque mondiale ne nous croient pas…. Cet objectif n’est même plus une hypothèse. C’est une histoire à dormir debout.
Je sais que le rapport de force n’est pas facile à construire, que la tâche de Jean-Marc Ayrault n’est pas aisée. Ce ne sont ni sa sincérité ni sa bonne volonté qui sont en cause, mais un problème de méthode et de stratégie dans la confrontation politique avec les droites européennes.
Être utile en tant que député dans la Vème République n’est pas chose aisée. Raison de plus de ne pas participer à cette mascarade. J’ai donc choisi de ne pas voter.