Le français est parlé par 200 millions de personnes dans le monde et, ce n’est pas un scoop, perd du terrain dans certains pays au profit de l’anglais. Dans une intervention au Salon du Livre Francophone de Beyrouth, Pouria Amirshahi, Secrétaire national du Parti socialiste à la coopération, à la francophonie, à l’aide au développement et aux droits de l’homme, a dressé les grandes lignes du projet de francophonie que propose le PS. Voici la retranscription de ses propos.Sans crier au drame, la langue française, parlée par 200 millions de personnes, perd du terrain. Il convient alors de se demander si les cultures francophones ont un avenir et si oui, si cet avenir est commun. On constate le paradoxe d’un déclin apparent, lié à la possibilité de voir la pratique de la langue française s’accroître considérablement aux abords de 2050 si le développement social des pays d’Afrique s’accompagne aussi d’un développement de la francophonie. Ainsi, ce déclin pourrait tout à fait connaître un véritable boom, une vocation universelle dans une mondialisation où les questions identitaires sont fortement présentes.
La langue française a son histoire propre dans chacun des pays. Au Québec, il s’agit d’une langue synonyme de souvenir d’enfance, en Belgique, la langue française représente une langue politique, en Algérie, elle incarne une prise de guerre, un trésor de guerre selon Kateb Yacine. La francophonie peut être un moyen de dépasser les traumatismes post-coloniaux puisqu’une langue symbolise un élément de passion et d’amour.
Les récentes élections en Tunisie, suite au processus électoral remarquable qu’il faut souligner, a entraîné un débat autour de la langue française considéré comme élément de domination. C’est pourquoi il est préférable de parler de cultures francophones au pluriel recouvrant diverses identités culturelles et des représentations différentes d’un pays à l’autre.
Dans cette mondialisation, on assiste à une déstabilisation identitaire, en Europe et en France notamment, une véritable crispation identitaire s’est mise en marche, alors que de l’autre côté de la rive, des mondes sont en bouleversement avec un Moyen Orient qui met en mouvement son affirmation à la démocratie et qui a en partage beaucoup de valeurs et surtout la langue française.
Une des réflexion au sein du Parti socialiste a été la suivante: quel est le rôle de la France dans le monde, sans penser au passé colonial du pays et dépasser ainsi une vision ethnocentriste, mais plutôt à sa capacité de faire vivre encore cette langue dans une projection d’avenir, vecteur d’une vision et d’une pensée universelle.
Plusieurs propositions ont été avancées, en cours de dialogue avec les interlocuteurs compétents:
«Le passeport culturel de la francophonie» : formalisation de l’identité commune par un outil approprié qui esquissent un espace de coopération. Ce passeport représenterait une traduction matérielle d’une appartenance commune. Être titulaire de ce passeport ouvrirait alors des possibilités de mobilité, en effet, nombre de chercheurs ou d’étudiants se trouvent dans l’impossibilité de venir en France entraînant ainsi une véritable perte des élites étrangères pour la France. La France manque de volontarisme dans l’accueil des jeunes formés contrairement au Québec notamment qui tend la main à ces derniers.
La mise en commun des outils, notamment le Programme des visiteurs internationaux qu’ont mis en place les États-Unis. Mettre en place un espace de coopération dans toute l’étendue de la francophonie pour inciter à l’appropriation de cette langue par les élites via des programmes partagés.
Repenser l’espace médiatique francophone qui souffre d’un problème de gouvernance, de décision, d’appropriation par tous les pays qui pourraient faire partie des programmes. Il y a un clair manque d’ambition. Arte, chaîne emblématique du couple franco-allemand où le rêve culturel a rejoint un rêve politique, représente un exemplaire réussi de coopération.
La création de maisons de la francophonie ou d’une «Agence francophone de l’éducation», sorte d’Erasmus francophone pour inciter à la mobilité et mettre en partage des programmes éducatifs.
Le Parti socialiste propose un nouveau projet de la francophonie à condition que celui-ci soit mis en partage et qu’il s’installe dans une nouvelle donne géopolitique, loin des débats ethnocentrés mais dans une atmosphère de débat partagé.