« Sans un déclic, la débâcle va s’ajouter à la déroute »

« Dès aujourd’hui, nous travaillons à une plate-forme, prolongeant l’appel des Cent, pour contribuer avec d’autres, à sortir de l’impasse. » Par ces mots, les députés socialistes « frondeurs » réaffirment leur refus d’accorder un blanc seing à François Hollande pour la poursuite de sa politique d’austérité. Mieux, leur texte esquisse les contours d’une autre politique. Pouria Amirshahi, député socialiste de la neuvième circonscription des Français établis hors de France (Afrique du Nord et de l’Ouest) détaille à l’Humanité les enjeux de cette nouvelle initiative.

Humanite.fr : En tant que représentants des Français vivant à l’étranger, avez-vous des retours quant à l’image de la France depuis le vote du 25 mai ?

Pouria Amirshahi : Oui, pour nos concitoyens vivant à l’étranger, voir arriver en tête du scrutin la représentante d’un parti qui prône le rejet de l’autre est terrible. Beaucoup sont accablés, profondément tristes et en colère. Autour d’eux, ils doivent faire face à des interrogations grandissantes de quant à ce qu’est devenue la France des droits de l’homme…

Humanite.fr : Comment vivez-vous la réaction de l’exécutif français face aux résultats des élections européennes ?

Pouria Amirshahi : Si la seule réponse qui est donnée au peuple français face aux résultats du scrutin européen se traduit par une baisse d’impôts et l’obsession de l’identité nationale, alors c’est vraiment que rien n’a été compris de la grève des électeurs de gauche.

Humanite.fr : Avez-vous des éléments d’explication concernant l’abstention ?

Pouria Amirshahi : Comme le gouvernement a foulé au pied les promesses qui avaient été faites durant la campagne électorale, les électeurs ont décidé de répondre au bras d’honneur par un bras de fer. Ils ont naturellement choisi l’abstention !

Humanite.fr : Vous avez aussi choisi l’abstention quand Manuel Valls vous a demandé de voter la confiance ?

Pouria Amirshahi : Oui, j’ai refusé d’accorder ma confiance au premier ministre pour qu’il mette en œuvre un pacte de responsabilité dont je pense, comme bien d’autres députés du parti socialiste, qu’il est une faute économique et une erreur politique majeure.

Humanite.fr : Pourquoi alors ne pas avoir voté contre ?

Pouria Amirshahi : Nous ne voulions pas mèler nos voix à celles de la droite et le choix de l’abstention nous a permis de rassembler un plus grand nombre de députés afin que notre mouvement soit visible et audible et qu’il puisse se traduire concrètement sur le plan politique et législatif. Nous avons estimé qu’il valait mieux être quarante à s’abstenir que deux à voter contre !

Humanite.fr : Aujourd’hui combien êtes vous à adhérer à la plateforme que vous proposez (voir texte joint) ?

Pouria Amirshahi : Il faut nous laisser le temps de convaincre nos collègues du parti socialiste, mais ceux qui refusent la voie de l’austérité sont de plus en plus nombreux. Contre le principe de l’étouffement économique du pays, nous proposons d’investir massivement dans le monde de demain, dans l’écologie, les énergies renouvelables, dans les grandes infrastructures industrielles et dans la culture.

Humanite.fr : Vous demandez tout simplement l’application du programme qui a permis à l’actuel président de la république d’être élu ?

Pouria Amirshahi : Effectivement je demande le respect du mandat qui nous a été confié.

Humanite.fr : Quels sont les moyens que vous comptez déployer pour un réel changement de cap ?

Pouria Amirshahi : En tant que député, il s’agira de propositions de lois, d’amendements et de tout ce qui procède du pouvoir législatif.

Humanite.fr : Est-ce que vous appelez à des alliances avec d’autres partis de gauche ?

Pouria Amirshahi : Oui, il faudra trouver des convergences législatives dans un esprit de respect et d’ouverture mutuelle. Mais pour l’instant il s’agit pour moi de faire en sorte que ces idées progressistes et cette politique de gauche s’impose comme une évidence au sein de mon propre parti et qu’elles soient capables de fédérer une majorité au PS !

Humanite.fr : Les résultats au scrutin européen peuvent-ils constituer le déclencheur de cette adhésion à vos propositions ?

Pouria Amirshahi : J’espère que le fait que le FN recueille le quart des votes exprimés va agir comme un électrochoc. C’est indispensable, sans ce déclic, la débâcle va s’ajouter à la déroute. Je ne crois pas qu’il faille attendre pire, d’ailleurs je ne vois pas ce qui pourrait arriver de pire, si ce n’est l’accession de Marine Le Pen  à la présidence de la République pour qu’enfin on stoppe cette dérive sociale-libérale qui conduit à l’écœurement de beaucoup de citoyens de gauche.

Il est encore temps. Concrètement,  lors du sommet Européen de mercredi soir, François Hollande doit et peut dire aux chefs d’Etats de l’Union Européenne que la règle des 3% est absurde et stupide, qu’elle est tournée contre les Européens eux-mêmes, qui n’en veulent pas ! Cette règle budgétaire empêche de renouer avec les investissements et la croissance, elle empêche la coopération entre les états membres. Voilà ce qu’il faut que François Hollande dise !

Humanite.fr : Mais il vient de déclarer qu’il n’envisageait aucun changement de politique…

Certes, c’est bien pour cela qu’il faut que la gauche retrouve son unité pour être audible et puissante : qu’elle pèse de tout son poids pour une autre politique. Il faut qu’au delà des déclarations de chacun des partis comme le Front de gauche, les verts et les socialistes, fasse un pas concret vers l’unité. La plateforme législative que nous lancerons d’ici quelques jours est ouverte à tous ceux qui voudront y faire des propositions constructives pour une politique de gauche !

Propos recueillis par Eugénie Barbezat

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