Mis en place par un discret décret du 30 octobre, le fichier « TES » (Titres Électroniques Sécurisés) vise à fusionner deux bases de données pour créer un fichier commun entre les passeports et les cartes d’identité. Destiné à faciliter établissement et renouvellement de ces titres, en plus de prévenir les fraudes, il détiendra des centaines de millions de données puisées dans toute la population française.
En 2012, la majorité d’alors avait tenté de mettre en place un fichier de ce type. L’opposition de l’époque, aujourd’hui au gouvernement, avait crié au scandale, précisant que « la France n’a créé qu’une seule fois un fichier général de la population, c’était en 1940. Il fut d’ailleurs détruit à la Libération » (Serge Blisko (PS) ). Des députés et sénateurs socialistes avaient d’ailleurs saisi le Conseil constitutionnel.
Certes le nouveau texte présenté par le gouvernement ne permet pas l’établissement d’un moteur de recherche qui exploiterait les données contenues dans ce fichier, mais la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés), dans sa délibération du 29 septembre 2016, précise que
« l’ensemble des données contenues dans TES, y compris des données biométriques, pourront, comme l’ensemble des données contenues dans des fichiers administratifs, faire l’objet de réquisitions judiciaires ».
De même, elle ajoute que « les données biométriques présentent la particularité de permettre à tout moment l’identification de la personne concernée sur la base d’une réalité biologique qui lui est propre, qui est permanente dans le temps et dont elle ne peut s’affranchir. Ces données sont susceptibles d’être rapprochées de traces physiques laissées involontairement par la personne ou collectées à son insu et sont donc particulièrement sensibles ».
Suite aux nombreuses oppositions à ce décret, et à la délibération de la CNIL qui aurait aimé que le gouvernement saisisse le Parlement de cette question, même si « d’un strict point de vue juridique, aucun obstacle ne s’oppose au recours au décret », le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve est venu s’expliquer devant la Commission des lois de l’Assemblée Nationale. Il s’est dit favorable à un débat parlementaire et désireux d’introduire les garde-fous nécessaires… mais sans suspension du décret !
De son côté, le conseil national du numérique ouvre une plateforme pour recueillir l’avis des citoyens et des experts. L’instance consultative, qui s’est auto-saisie au sujet de cette base de données avant de réclamer sa suspension immédiate, vient de lancer une plateforme à travers laquelle elle souhaite obtenir un maximum d’avis avant de publier un avis fin novembre.