Un Monde d’Avance : appel des «députés pour le changement»

De gauche à droite : Pouria Amirshahi, Benoît Hamon, Veit Swoboda, Barbara Romagnan et Liem Hoang Ngoc.

Mercredi 25 juillet, Un Monde d’Avance organisait à Paris une conférence de presse commune avec l’aile gauche du SPD : Forum Demokratische Linke 21. Animée par Barbara Romagnan, Liem Hoang Ngoc et Pouria Amirshahi pour UMA et Veit Swoboda, secrétaire général de Forum DL 21, cette présentation a permis de mettre à jour les grandes convergences entre nos deux formations sur l’analyse de la crise et les solutions à mettre en œuvre en Europe. Démontrant ainsi que le PS et la gauche du PS ne sont pas isolés en Europe.

Barbara Romagnan (députée du Doubs)

La présence du représentant de Forum DL 21 prolonge et renforce notre démarche engagée avec la signature commune de l’ « Appel des députés pour le changement », présenté en préambule de notre contribution. Celle-ci ne correspond évidemment pas à une simple et pauvre volonté de se démarquer, encore moins une façon de marquer une défiance. Nous sommes tous loyaux et en plein soutien du gouvernement. Mais la vie du Parti socialiste ne se résume pas à la vie du gouvernement. Notre analyse est que la liberté de ton qu’il y a pu avoir pendant le débat des conventions ou les primaires socialistes, ont permis de faire gagner la gauche. Faire vivre le débat, c’est donc une manière d’être utile à la gauche, au gouvernement, à François Hollande, de faire en sorte que cette expérience de gauche soit réussie. Nous avons donc souhaité verser aux débats du congrès un certain nombre de réflexions et de propositions.

DSCN6632-d6839Faire sauter le verrou libéral en Europe. Pour pouvoir mettre en œuvre ce pourquoi on a été élu, il est nécessaire, à défaut d’être suffisant, de faire sauter un certain nombre de verrous libéraux en Europe. L’Europe n’est pas libérale par nature, elle l’est par des décisions et des choix politiques ce qui signifie qu’on peut inverser cette tendance. Pour cela, on a évidemment besoin de trouver des marges de manœuvre et notre stratégie, c’est notamment de créer des alliances en Europe, en particulier avec les Allemands, acteurs majeurs de la construction européenne.
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Le calendrier de résorption de la dette n’est pas raisonnable. Bien sûr, il faut résorber la dette, mais notre sujet c’est celui du calendrier et des priorités. Le programme sur lequel s’est engagé François Hollande s’appuyait sur une perspective de croissance qui était aux alentours de 1,7. Aujourd’hui on parle plutôt de 1,2 voire moins. L’agenda européen de résorption du déficit étant extrêmement contraint, il ne permettra pas de respecter les engagements pris lors de la campagne. Il n’est pas raisonnable de s’astreindre à un tel calendrier.

Pour une Europe démocratique. Européens fédéralistes convaincus, nous n’avons pas de souci avec le dessaisissement de la souveraineté nationale au profit de la souveraineté européenne mais à la condition que celle-ci soit démocratique. Le problème aujourd’hui, c’est qu’un pouvoir national démocratique, résultat d’une élection, serait transféré à une autorité sans aucune légitimité en la matière justement parce que non élue. C’est bien aux citoyens de décider ce qu’on doit faire des deniers publics et des politiques qui vont être menées.

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De gauche à droite : Pouria Amirshahi, Veit Swoboda, Barbara Romagnan et Liem Hoang Ngoc.

En France aussi, changer le rapport au pouvoir. Le congrès est aussi pour nous l’occasion de réaffirmer des choix forts qui ne sont pas impactés par le verrou libéral. Parmi ces options fondamentales sur la question du rapport au pouvoir et de la démocratie, le non-cumul des mandats est un élément hautement symbolique. La démocratie ne se résume pas à cela, mais pour re-crédibiliser la politique, il faut avoir un soutien citoyen. Cela passe notamment par le respect de cet engagement et sa mise en œuvre urgente sans attendre encore 2014, 2015 ou je ne sais combien.
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Veit Swoboda (secrétaire général de Forum DL 21)

Les ailes gauches au PS comme au SPD ont un vrai rôle à jouer aussi bien dans leurs propres partis qu’à l’extérieur, pour débattre et pour définir des pistes alternatives. Fort de ses députés au Bundestag et dans les Länder, le Forum DL 21 milite au sein du SPD pour une réorientation de la construction européenne, ainsi que pour la mise en place d’une coalition « rouge-verte » (SPD et Verts) en vue des élections de septembre 2013. Il y a quatre semaines, 23 députés issus de Forum DL 21 ont voté contre le Pacte budgétaire, le dénonçant comme « politiquement faux, économiquement aberrant et socialement injuste, et ne permettant pas de surmonter la crise » (cf. l’explication de vote de Hilde Mattheis, leader du sous-groupe parlementaire de la gauche du SPD).

Le Pacte budgétaire, un mauvais traitement fondé sur un diagnostic erroné. Le Pacte Budgétaire contraint les États à des coupes budgétaires alors même que l’économie se rétracte : il en résulte donc une accélération de la chute libre de l’économie. Cette politique budgétaire procyclique aggrave la crise dans la zone européenne. Le Pacte budgétaire, c’est l’austérité, soit la plus mauvaise réponse possible au problème de la dette. Il est donc évident que la politique Merkelienne a échoué. Sa thérapie, ordonnée depuis deux ans, ne guérit pas le malade, au contraire, elle le rend plus malade.

Faire plus pour la croissance. Le Pacte Budgétaire est un « frein à la croissance » (NB : la règle d’or est appelée « frein à la dette » en allemand). Pourtant, pour sortir de la crise, il faut une relance par la croissance. Il faut laisser du temps aux pays du sud de l’Europe, Grèce, Italie, Espagne, pour résorber leurs déficits et renforcer les mécanismes de sauvetage. Toute l’Europe ferait les frais d’une faillite de la Grèce ! Ce dont l’Europe a besoin, c’est d’une politique de croissance, des investissements, une politique du travail et une fiscalité juste. La politique de contraction des salaires menée en Allemagne aggrave les déséquilibres au sein de l’Europe : il faudrait au contraire une augmentation des salaires afin de renforcer la demande intérieure.

Pour une Europe libre, sociale et solidaire. Il faut une harmonisation fiscale, faire payer les profiteurs de la crise avec la taxe sur les transactions financières, mais aussi la séparation des activités de dépôt et de spéculation dans les banques, la régulation des fonds spéculatifs et la mise en place d’une agence publique de notation à l’échelle européenne. Il faut permettre à la Banque centrale européenne de mener une véritable politique monétaire et mettre en place des eurobonds.

La victoire de François Hollande en France a été perçue comme un premier signal positif qu’un vrai changement était possible en Europe. Car, face à cette politique européenne d’austérité, François Hollande incarne un contre-modèle. Cette victoire représente en outre pour le SPD un espoir de remporter les élections en septembre 2013.

Liem Hoang Ngoc (député européen)

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Barbara Romagnan et Liem Hoang Ngoc.

Lors du dernier sommet européen, François Hollande a réussi à installer l’idée que la vision d’Angela Merkel n’est pas la seule possible. Comme le démontre la présence de Veit Swoboda, le débat ne se résume pas à une confrontation entre la France et l’Allemagne, comme dans un match de foot. Un fédéralisme progressiste est bel et bien réalisable. Il est défendu de part et d’autre du Rhin et dans toute l’Europe, comme en témoignent les propositions défendues par Forum DL 21. Celles-ci sont également celles que les socialistes et sociaux-démocrates français et allemands défendent désormais au Parlement européen : des politiques économiques contracycliques, une taxation des transactions financières, une agence de notation européenne indépendante etc.

Lors du sommet, une vis du verrou a sauté. Mais, dans un verrou, il y a quatre vis : il faudra faire sauter les trois autres. Ceci est d’autant plus urgent que l’actualité, marquée par les risques de défaillance en Espagne et en Grèce, place les propositions que nous faisons au premier plan. Celles-ci pourront être exploitées lors des prochains sommets.

Renégocier le calendrier de réduction des déficits. La conjoncture s’est dégradée bien au-delà que ce que certains prévoyaient, compromettant la possibilité de revenir à l’objectif d’un déficit de 3% du PIB en 2013. L’hypothèse de croissance formulée par le précédent gouvernement était de 1,7%. Le consensus des économistes table désormais sur une croissance de 0,8% en 2013. Lors des prochains sommets, il faudra demander une renégociation du calendrier de réduction du déficit. Il faudra le faire avec nos partenaires italiens et espagnols, et avec l’appui du SPD. Ceci est nécessaire pour favoriser la reprise et éviter la spirale infernale de la récession et des déficits.

Sortir les dépenses d’investissement du calcul des déficits. Nous proposons de concentrer la « discipline » sur les budgets de fonctionnement, notamment en appliquant notre réforme fiscale (à cet égard, le débat fiscal qui s’est engagé à l’Assemblée nationale et au Sénat est d’excellent augure). Cela permettrait aux États et à leurs collectivités territoriales de relancer l’investissement pour favoriser le redressement productif. Cette proposition est défendue par le groupe Socialiste et Démocrate au Parlement européen. Elle l’est aussi par Mario Monti, le chef de l’exécutif italien, pourtant adepte des réformes structurelles libérales.

Agir aussi au plan national. Un seul exemple : il y a aujourd’hui un débat sur le transfert des cotisations sociales vers l’impôt pour favoriser l’emploi. Il faut naturellement une fiscalité plus favorable à l’emploi, mais en évitant à tout prix la TVA, injuste. Il faut pour cela remplacer d’un côté (côté ménages) la cotisation par une CSG, mais en rendant cette CSG progressive. Ceci est possible en la fusionnant, comme le propose le Parti, avec l’Impôt sur le revenu. Il faut, d’un autre côté (côté entreprises), substituer à la cotisation patronale une contribution sur l’ensemble des richesses créées (incluant salaires et profits), que nous proposons d’appeler une « CSG entreprises ».

Faire du PS un véritable laboratoire à idées. Le congrès doit être le moment de définir la place du parti dans un contexte où la gauche exerce le pouvoir. Le pouvoir, c’est la recherche permanente du meilleur compromis possible, compte tenu des rapports de force en présence dans la société. Mais, parce que l’exécutif est nécessairement tenu par la recherche de tels compromis, le Parti doit prendre le relai. Il doit être un laboratoire à idées dans lequel le gouvernement doit pouvoir puiser des propositions. C’est dans cet esprit qu’a été écrite la contribution.

Pouria Amirshahi (député des Français de l’Étranger)

DSCN6634-335c0Nous nous sommes engagés dans le développement d’une nouvelle stratégie des gauches européennes. Cela n’avait pas été fait en 1997 lorsque 12 des 15 pays de l’Union européenne étaient dirigés par des gouvernements à majorité socialiste ou social-démocrate. Cette stratégie a eu pour point de départ l’élection de François Hollande. Pour sa poursuite, nous comptons beaucoup sur les élections en Allemagne en septembre 2013.

Aujourd’hui le débat existe au sein du PS et du groupe parlementaire. Et, comme le disait justement Barbara, pour être utile au pays, il faut que le congrès du PS ne soit pas uniquement occupationnel. C’est pourquoi le débat nous semble véritablement utile et nous voulons le mener librement. Nous sommes conscients que la démarche de transformation sociale ne peut se faire en un jour. Mais il y une nouveauté majeure dans ce congrès, c’est l’apport de cette démarche transnationale de deux visions progressistes en Europe, qui représente un solide point d’appui.

De gauche à droite : Pouria Amirshahi, Benoît Hamon, Veit Swoboda, Barbara Romagnan et Liem Hoang Ngoc.
De gauche à droite : Pouria Amirshahi, Benoît Hamon, Veit Swoboda, Barbara Romagnan et Liem Hoang Ngoc.