Billet

Une censure pour un nouveau gouvernement

En s’accrochant à mains nues au rocher en pleine tempête, il était fort à parier que le vent finirait par l’emporter. L’entêtement d’Emmanuel Macron à contourner les résultats des élections qu’il avait lui-même convoquées ne pouvait avoir qu’un temps.

Chacun a en tête la manœuvre estivale pré et post Jeux olympiques du président de la république, le sectarisme délirant de ses troupes chauffées à blanc contre le NFP et les maladresses de celui-ci, en réalité peu préparé à être en tête des suffrages. Autant d’ingrédients qui l’ont conduit à imposer un gouvernement acceptable par le RN plutôt qu’un programme de protection écologique et social.

A la première épreuve budgétaire, quelques semaines après sa naissance, le « socle commun » est désormais hors-sol. Inutile d’incriminer qui que ce soit ou de régler quelque compte, une telle hypothèse était tout simplement inscrite dans l’incongruité même d’un gouvernement archi-minoritaire, le plus décalé des choix politiques des français le 7 juillet dernier.

Pour ma part, j’écris que voter la censure après un 49.3, a fortiori budgétaire, était parfaitement justifié. Il est d’ailleurs envisagé dès 1958 dans notre constitution précisément comme contre-pouvoir du pouvoir législatif. C’est ainsi par exemple que j’avais en 2016 voté la censure du gouvernement Valls qui avait fait passer la loi Travail au 49.3. Cet acte d’émancipation parlementaire doit cependant être assorti d’exigences compréhensibles et crédibles. 

Alors, la censure…et quoi ? Retour à la case départ ? Pas sûr. Car les quelques semaines qui nous séparent de l’été ne sont pas vierges de leçons, ou tout du moins de vérifications, et il en est deux qu’il convient de souligner : 

  • la première est qu’il n’y a toujours pas de majorité absolue, 
  • la deuxième est qu’il a existé, au fil de l’eau, des majorités de circonstances entre le Nouveau Front Populaire, des députés indépendants du groupe LIOT, des députés d’ensemble pour la république et du Modem. De fait, il y a eu des accords par des votes. 

Je mets volontairement ici de côté les accusations réciproques d’alliance avec les députés RN – selon les votes de ces derniers – qui ne sont qu’un jeu de ping-pong imbécile où le crachat a remplacé la balle même si elles laissent des traces tenaces. 

La question est donc posée : puisque nous avons dit publiquement, en responsabilité, notre souhait de gouverner pour améliorer la vie des gens et puisqu’un gouvernement de ce type avec une durée de vie estimable ne peut être un gouvernement 100% NFP – sinon il trébuche sans délai – … quel accord pour gouverner et avec qui ?

Quelle est la meilleure optique devant le risque de droitisation définitive de tout ce bloc lib-lib ? Nous avons vu que l’intransigeance de nombreux macronistes, plus à droite que Barnier lui-même sur les politiques sociales et fiscales ou encore leur mue sarkozyste en matière de Justice pénale ne passent plus chez certains authentiques démocrates. 

Seuls les macronistes avaient évoqué un « gouvernement technique », qui est en réalité un gouvernement de droite sans contrôle. Ce que Vallaud énonce (après Philipe Brun en juillet dernier) c’est un « accord de non censure », ce qui est différent : l’accord n’empêche nullement de sanctionner un gouvernement par ses votes en retoquant/transformant des dispositions législatives mais chaque désaccord ne se transforme pas en censure (= au passage, cela laisse une place sérieuse au Parlement).

Pour ma part, avec tout le groupe écologiste et social, je défends un principe simple : l’engagement de ne jamais recourir au 49-3, que je défends depuis, déjà, la XIVème législature. Autrement dit, que – en toute matière législative – nous nous en remettions totalement à la délibération parlementaire, conformément à l’esprit des Lois et de séparation des pouvoirs de Montesquieu.

Les bénéfices politiques sont nombreux : 

  • décoincer la situation politique en mettant fin aux postures de quant-à-soi définitives fermant toutes les portes ;
  • surtout, désindexer enfin le pouvoir législatif du pouvoir exécutif, dont la prééminence presque hiérarchique est la cause fondamentale de la crise de régime que nous vivons ; 
  • conséquemment, renvoyer Emmanuel Macron, dont la présidence est devenue toxique, à un strict rôle de surplomb symbolique et régalien, jusqu’en 2027. Car à la tare bonapartiste congénitale de la Vème République s’ajoute l’entêtement du président à défendre quoi qu’il en coûte une politique pro-riches, allant jusqu’à préférer coucher avec le RN plutôt que de déjeuner avec nous. Le sectarisme est sa marque de fabrique.

Et c’est précisément là que se situe le problème, l’obstacle même pour une démarche disruptive anti présidentyaliste : à l’ELysée, tant il fort à parier que son locataire fera tout pour empêcher la nomination d’un.e premier.e ministre de gauche, seule à même de proposer au pays cette respiration démocratique indispensable. Même au risque de l’éphémère, cette solution est la plus évidente,bien des responsables extérieurs à la gauche en conviennent. Il est à craindre, à cette heure, une nouvelle tentative d’étouffement de la part d’Emmanuel Macron, un entêtement à nommer quelqu’un “à lui”…

Mais nous devons supposer que la raison l’emporte aussi. Alors, posons les choses simplement : vous ne savez pas faire ? Qu’à cela ne tienne, donnez-nous les clés !